mercredi 21 février 2007

Le fabuleux destin d'Amélie Poulain


Il arrive que des cinéastes aux univers très particulier font une pause, et nous ponde un petit film dont on n’attend pas spécialement grand chose et qui s’avère assez vite être des surprises de taille. Tel est le cas de Jeunet et son Fabuleux destin d’Amélie Poulain.

25 avril 2001, à 11h59, le cinéaste parle de la conception du film : « Je me souviens qu'après Alien, la resurrection, j'avais très envie de revenir en France pour faire un "petit" film avec mes copains ! Parce que même si Alien a été une aventure merveilleuse, c'était aussi très lourd à porter... En fait, lorsque la Fox m'a proposé le film, j'étais déjà en train de travailler sur ce qui allait devenir Amélie. J'avais des tas d'idées de scènes, de situations, de personnages, des tas d'envies précises, mais j'avais beaucoup de mal à trouver le dénominateur commun de tout ça. Je cherchais tout simplement le sujet du film. J'en étais là quand je suis parti à Hollywood. Lorsque je suis revenu, j'ai repris mon projet où je l'avais laissé ». Un peu plus tard dans la journée, des spectateurs vont voir ce film sans avoir la moindre idée du choc culturel qui les attends. Au même instant, un éphémère naît pendant qu’un autre meurt. C’est la loi des séries : le film se base sur des détails anodins pour en tirer un film chaleureux, et la vie est pleine de détails. L’album des photomatons est une collection authentique de la part d’un ami de Jeunet, tandis que le Front de Libération des Nains de Jardin applaudit l’idée d’en faire voyager un autour du monde. Tous ces éléments et d’autres encore sont collectés par Jeunet depuis 1974, qui ne regrette pas d’avoir laissé partir Emily Watson au profit d’Audrey Tautou, en passe de devenir l’idole de la France.

Quelques mois plus tard, une quinzaine d’étudiants de 15 ans se rendent dans un cinéma de quartier à Namur, Belgique, pour y découvrir le film. Parmi ceux-ci, votre serviteur, qui n’aime pas le film : il le trouve étrange, trop romantique pour son esprit pseudo rebelle. Ce n’est que cinq ans plus tard, à l’occasion d’une diffusion télévisuelle, qu’il se rend compte de son erreur : le film le captive et le fait rêver. La réalisation de Jeunet, personnelle bien que s’inspirant des peintures de l’artiste brésilien Juarez Machado, et un humour décapant servi par des comédiens heureux d’être là font de ce film une petite merveille de poésie dans un monde de brute, se dit-il. Au même instant, à l’autre bout du monde, en Australie, le film reste le deuxième film préféré de tout le pays, alors qu’ils ne parlent pas français.

Entre-temps, le film connaît un succès populaire incroyable, et se voit même nominé aux Oscars. Jeunet est acclamé, Audrey Tautou se voit presque canonisée et le film rapporte des millions d’euros à travers le monde. Le secret ? Des personnages pittoresques, dont même les pires bonhommes sont drôles, qui balancent des dialogues d’ores et déjà cultes ; une histoire d’amour alambiquée, surréaliste, qu’on ne croirait même pas au cinéma si elle n’était pas transposée dans un Paris magique, où tout le monde se côtoie, se frôle sans ambiguïté, au rythme des violons et accordéons de Yann Tiersen, archétype de la musique de Montmartre ; et enfin une palette de comédiens qui en fait rêver plus d’un.

Les gens aiment : la magie presque enfantine du film, loin des films violents ou même grossiers, la pire des insultes ici étant « tête d’oignon » ; une réalisation énergique, dont chaque image est retouchée numériquement sans que cela gâche pour autant le plaisir des yeux ; et enfin, Amélie, bonne fée qui veut faire le bonheur autour d’elle, le genre d’ange gardien que chacun d’entre nous aimerait avoir.

Les gens n’aiment pas : la longueur du film, qui aurait pu être raccourcie d’un bon quart d’heure ; des éléments d’histoire qui sont mal utilisés, comme celle d’Hyppolito l’écrivain raté qu’on aurait aimé voir plus en détail ; enfin, un final qu’on aurait aimé plus magique comme le reste du film. Mais cela importe peu finalement.

Ce qui importe, c’est que le film souffle un air de gaieté et de fraîcheur dans un cinéma français à l’agonie, où Jeunet prouve que le cinéma d’auteur peut aussi se conjuguer avec cinéma populaire. Un moment de rêve qui rappelle que la vie peut-être belle aussi.

Note : ****

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