mercredi 8 février 2012

Drive

On a comparé plusieurs fois Refn à Kubrick : Bronson serait son Orange Mécanique, Valhalla Rising son 2001 : a space odyssey... Si je devais m’hasarder sur une comparaison, je dirais alors que Drive serait son Shining.

Je m’explique : les deux films partagent, à mon sens, ce goût de l'inaction au profit de la tension permanente. Il y a chez Kubrick comme chez Refn ce soin tout particulier à enfermer ses personnages, les cloisonner dans un décor dont ils ne savent pas sortir si ce n’est en mourrant : l'hôtel chez Kubrick, la nuit/ville chez Refn. Drive, c'est un film de commande qui renie ses origines pour aller vers autre chose, vers le flottement : pas d'action brute de décoffrage, pas de cascades énormes, pas de gunfights inouïes. Bon, j'exagère, de l'action y en a quand même, mais telle une piqûre de scorpion, elle se prépare longuement avant d'être vive et rapide. Et douloureuse. Refn a un goût prononcé pour la violence, ce qui n’est pas franchement étonnant quand on voit quel type de cinéma a pu l’influencer tout au long de son œuvre (le cinéma américain des années 70). C’est peut-être encore plus visible ici dans le travail des couleurs et des décors, relativement kitsch et voyants, et avec l’utilisation d’une bande-son admirable, où les excellents thèmes de Cliff Martinez sont accompagnés de quelques morceaux faussement rétros comme Nightcall de Kavinsky, qui illustre un générique chargé de nostalgie.

Réduire Refn à un cinéaste démonstratif et tape-à-l’œil serait pourtant une profonde erreur ; il existe effectivement chez ce cinéaste un goût du symbolique particulièrement fort, aisément repérable ici avec la figure du scorpion. Élément central du film arboré par le personnage principal, le Driver justifie sans vraiment le dire cet emblème selon la fable du scorpion et de la grenouille : c'est dans sa nature d'être comme il est. Ce qui m’amène à évoquer brièvement la prestation de Ryan Gosling, tant celle-ci se passe de commentaires inutiles ; certes, ce n’est pas là son meilleur rôle, mais c’est néanmoins une véritable leçon de jeu d’acteur, tout en silence, tout en présence, à mi-chemin entre la fragilité et la virilité, la violence et l’amour : un Marlon Brando contemporain, et je pèse mes mots.

Refn serait-il l'un des plus grands réalisateurs de sa génération ? Oui, à ne pas en douter, même s'il reste encore quelques lacunes au niveau de la narration à surmonter notamment au niveau du rythme, pas toujours maîtrisé et équitable. Drive n’en est pas moins une agréable surprise au succès amplement mérité, même si les Oscars ont commis la honte d’en oublier son réalisateur et son interprète principal.

Note : ****

6 Comments:

Wilyrah said...

Mieux vaut tard que jamais ! En tout cas comme tu le dis NWR est l'un des meilleurs de sa génération et j'attends avec impatience son Only God Forgives actuellement en tournage.

dasola said...

Bonsoir Bastien, comparer Winding Refn à Kubrick, c'est très flatteur. Pourquoi pas? Je pense qu'il a vu les films de Kubrick et beaucoup d'autres mais c'est un réalisateur avec son univers à lui. Walhalla rising fut une belle expérience comme Pusher. Comme Wilyrah, j'attends son prochain film avec aussi Ryan Gosling. Bonne soirée.

Le scénariste du dimanche said...

Je ne sais pas si comparer Kubrick à NWR est vraiment pertinant puisque comme l'a dit dasola, NWR a un style très particulier, qui est vraiment à son apogée dans la trilogie Pusher.

Néanmoins bon post!

Dale said...

Salut Bastien, je ne savais pas que tu avais un blog et je viens de tomber dessus ! C'est un boulot impressionnant que je vais prendre plaisir à éplucher :-)

Bonne continuation !

PS : j'aime la critique de ce film !

RCF said...

Bonjour,

J'ignore si ce blog est encore consulté par vous même mais je ne parviens pas à mettre la main sur votre adresse email.

Journaliste pour RCF-Liège, je souhaiterais consacrer mon émission, intitulée "Regard sur l'actualité" aux films médiévaux, sur la base de votre article publié sur le site Culture de l'ULg en novembre dernier.

Disposeriez-vous d'une demi-heure ce lundi 05 janvier 2015 entre 13H30 et 17H00 ?

L'émission est d'une durée de 20 minutes et n'est pas enregistrée en direct. Elle fera l'objet d'une triple diffusion au cours de la semaine et sera reprise sur l'antenne de RCF-Namur et peut-être de RCF-Bruxelles la semaine suivante.

Cordialement.

Laurent Verpoorten
Journaliste
radiochretiennefrancophone@gmail.com

A2line said...

Bonjour Bastien,

C'est a2line qui fréquentait autrefois cinéfilons. Je me permets de passer par ton blog car je ne peux plus me connecter au forum. J'espère que toi, Chris, Kiké... et les autres Belges du forum vont bien.
Pourrais-tu s'il te plaît faire passer aux gens de cinéfilons tout mon soutien ?

En te remerciant (et n'hésite pas à supprimer par la suite mon message assez hors-sujet ici)

A2line