mardi 27 décembre 2005

Tarnation


Un documentaire très original et totalement inédit, voilà ce qu’est, en gros, Tarnation.

Reprenons depuis le début. Tout commence quand Jonathan Caouette se prend pour un cinéaste en herbe. Il filme tout et tout le monde, en particulier lui-même dehors ou dans une salle de bain. C’est alors qu’il découvre les vertus thérapeutiques du cinéma qui peut exorciser les démons qui l’entourent. Il va ainsi se filmer pendant près de 20 ans…

Attention, œuvre complexe : il ne s’agit ni d’un documentaire autobiographique, ni d’une fiction, ni de cinéma expérimental : il s’agit de ces trois genres mélangés pour offrir un film unique dans l’histoire du cinéma. Influencé par le cinéma underground, Tarnation s’inscrit comme le premier long-métrage documentaire à budget très réduit (moins de 300 dollars !) et à but thérapeutique pour son auteur.

Evidemment, vu le style du film, il est très difficile d’en parler correctement : la subjectivité du récit conduit irrévocablement à une critique qui ne sera jamais totalement objective.

Il faut donc séparer les atouts des inconvénients du film. Commençons par le positif : le psychédélisme. Assez tortueux, le récit nous emmène dans la tête de son auteur-réalisateur-acteur Jonathan Caouette, légèrement dérangé et souffrant d’un mal qui lui rend difficile la séparation entre monde réel et monde imaginaire. En découle un univers forcément étrange mais parfois magique, parfois effrayant. Exploitant pleinement (à outrance ?) les différents effets mis à disposition par le logiciel de montage, Tarnation nous emmène dans un voyage temporel unique, où nous découvrons l’évolution (même si, parfois, on approche la régression) d’un pays et de sa culture sur fond de musique rock psychédélique.

Il y a aussi ce souci de véracité qui se dessine tout au long du film, égratignant ci et là le portrait d’une famille qui se veut bien pensante mais qui, au fond, est très barbare. On retiendra par exemple les délires limites effrayants de la grand-mère et de la mère, se prenant des fous rires sans raison apparentes, ou encore cette scène du grand-père cherchant à appeler la police pour faire embarquer Jonathan qui l’embarrasse avec ses questions sur les traitements corporels infligés à Renée durant son enfance…

Vient ensuite le gros souci du film : l’aspect voyeuriste. Bien sûr, en regardant un documentaire autobiographique, on doit s’attendre à un poil d’égocentrisme et peut-être même un rien de narcissisme mais là, c’est trop. Autant certaines scènes ne nous dérangent pas plus que cela malgré la violation de l’intimité (l’introduction du film, décrivant la vie douloureuse de Renée et le coup de téléphone de Jonathan en larmes) autant on assiste parfois à de l’autosatisfaction (insistance sur les autres films amateurs de Jonathan, ce même Jonathan à poil dans sa chambre…) pour ne pas dire à de la masturbation mentale.

Reste donc en définitive une œuvre étrange, sorte d’ovni dans le paysage cinématographique contemporain, où l’inédit côtoie le scabreux, l’authenticité à l’égocentrisme, et ou un petit peu plus de retenue n’aurait été que bénéfique à un film déjà entré dans le panthéon des œuvres initiatrices de genres…

Note : **

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