mercredi 2 janvier 2008

Syriana


Certains auteurs n’hésitent pas à prendre des risques quand ils font un film, et même parfois de très gros risques. C’est un peu le cas de Syriana où Stephen Gaghan attaque frontalement l’industrie pétrolière, aussi bien d’un point de vue que de l’autre.

Pour les cinéphiles, Stephen Gaghan est l’auteur du scénario de Traffic de Soderbergh, film déjà choral et agressif sur la drogue aux USA et au Mexique. En s’inspirant d’un livre de Robert Baer (La Chute de la CIA : les Mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme) qui est en fait un ancien agent de la CIA, Gaghan a trouvé l’occasion de repasser derrière la caméra après un premier film passé inaperçu. Mais bien que son film ait été choisi par l’American Film Institue pour son top 10 de l’année 2005, on doit se rendre à l’évidence : Gaghan est certainement un très bon scénariste mais un réalisateur un peu lourd.

En effet, la réalisation est très plate : l’action est filmée sans vie, la mise en place est longue, et pour blâmer un peu le scénario des personnages et des scènes n’ont pas leur place dans le film (qu’est-ce qu’on se fout du père alcoolique en fin de compte ?). C’est dommage, car on sent un vrai effort de la part de Gaghan de faire de son film un chef-d’œuvre, notamment au niveau des décors et des costumes. Hélas, il n’atteint pas la hauteur de ses ambitions et le film s’éternise de trop pour réellement nous captiver.

Le scénario en revanche, et malgré un léger surplus inutile, est très bien construit dans l’esprit « effet papillon » : les destins s’entrecroisent sur un simple fait dramatique, la mort d’un enfant. A partir de là, Gaghan commence son attaque des Arabes conservateurs, des Américains capitalistes, des militaires qui prônent la guerre et des sociétés qui tentent discrètement de gagne de l’argent malhonnête. Sans parti pris, Gaghan tire à bout portant sur un côté comme sur l’autre avec la même rage, la même qui animait Traffic. Certainement le point fort du film, d’autant que le nombre de personnages à gérer est impressionnant.

Il convient aussi de saluer les acteurs, et en particulier George Clooney, frappé du syndrome Actor’s Studio (il a grossi de 15 kilos et s’est laissé pousser la barbe uniquement pour un second rôle) mais qui lui réussi puisqu’il a obtenu l’Oscar pour ça. Chacune de ses apparitions fait plaisir à voir, et à lui seul il domine le film, malgré un casting alléchant bien qu’inégal (on aurait aimé voir plus souvent Chris Cooper, William Hurt ou Christopher Plummer) où Matt Damon s’en sort avec les honneurs à défaut de réellement nous bluffer.

Un film « qui aurait pu se passer à n'importe quelle époque, dans n'importe quelles circonstances lorsque se conjuguent l'ambition effrénée de l'homme, son orgueil démesuré et de vieux fantasmes impérialistes » selon Gaghan, qui aurait du confier son film à un cinéaste plus rôdé au film politique. Parce que de fait, Syriana (dont le titre désigne, dans la langue des tacticiens de Washington, un très hypothétique remodelage politique du Moyen-Orient) n’est qu’une pâle copie de Traffic, ennuyante malgré un discours intéressant. Quel paradoxe.

Note : **

0 Comments: