dimanche 6 novembre 2011

Les marches du pouvoir (Ides of March)

Les (bons) acteurs qui deviennent de bons réalisateurs, c’est plutôt rare. Bon en fait, on peut les compter sur les doigts de la main. Mais il faut depuis quelques années ajouter à la liste ce brave George Clooney, cette espèce de Cary Grant des temps modernes, qui non seulement a de l’humour, joue bien mais en plus réalise des films de plus en plus aboutis.

Avec son quatrième film, Clooney laisse entrevoir des thèmes et un style récurrent. Tout d’abord, il y a une fascination pour les faux-semblants, pour la manipulation et pour la guerre psychologique. Ides of March est à l’instar de Good night and good luck une lutte pour le pouvoir via les médias, une bataille sans merci que se livre des pros de la communication en pleine période électorale. En réalité, tout est dans le titre : dans la langue anglo-saxonne, « Ides of March » désigne le moment où Jules César fut poignardé par son fils adoptif Brutus (Shakespeare mets d’ailleurs ce moment en scène dans Julius Caesar) ; Les Marches du pouvoir, c’est donc une histoire de complots, de trahison mais surtout de lutte entre une figure paternelle (Clooney mais aussi Philip Seymour Hoffman impeccables) et la relève, la véritable star du film malgré un casting impressionnant : Ryan Gosling. Vu l’année qu’il vient de vivre (Blue Valentine, Drive), ce serait bien le diable si son talent n'était pas récompensé aux prochains Oscars. Il incarne ici cette merveille de jeune arriviste qui grimpe trop vite les échelons, dont l’idéalisme va être chamboulé par la réalité de la politique.

Rarement auparavant Clooney se sera montré aussi virulent et, surtout, cynique dans son propos. Sans compter que, subtilement, quelques indices laissent apparaître derrière le personnage du gouverneur Barack Obama ; Clooney serait-il déçu du mandat démocrate écoulé ? Ce n’est pas tellement le plus important, tant le réalisateur propose un vrai film de cinéma à la manière des thrillers politiques des seventies : une caméra stable et souvent fixe, avec un soin tout particulier apporté à l’ambiance via les lumières, les décors et surtout la musique signée de l’incontournable Alexandre Desplat. Esthétiquement, on pense souvent au documentaire de Hegedus et Pennebaker, The War Room, qui suivait la campagne présidentielle de Clinton en 1992. Clooney vient d’atteindre sa maturité, qu’on se le dise, prenant son temps pour raconter son histoire mais allant à l’essentiel, posant rapidement les personnages pour mieux les exploiter dans ce jeu de mensonges et de vérités.

S’il manque peut-être encore ce je ne sais quoi au film, peut-être une certaine rigueur à la Alan J. Pakula pour faire de Ides of March un incontournable, le film n’en est pas moins l’un des meilleurs films politiques de ces dernières années, surpassant de très loin l’effroyable W. d’Oliver Stone et bien plus sérieux que La conquête de Xavier Durringer. La classe américaine alliée à un retour aux techniques narratives et stylistiques seventies.

Note : ****

2 Comments:

dasola said...

Bonsoir Bastien, j'ai beaucoup aimé le classicisme de ce film qui donne la part belle aux acteurs. Le scénario est très bien écrit. Un bon film. Bonne soirée.

Wilyrah said...

Salut Bastien,
J'ai trouvé ce film trop classique et sans climax, malgré ses belles qualités. A bientôt