dimanche 20 février 2011

La jeunesse de la bête (Yajuu no seishun)

La subversion (latin subvertere : renverser) désigne un processus par lequel les valeurs et principes d'un système en place, sont contredits ou renversés. Le discrédit et la chute du pouvoir établi se fait dans le cadre de territoires politiquement ou militairement convoités. Voilà un terme qui conviendrait bien au film de Suzuki par ailleurs.

Plus sérieux que Détective bureau 2-3 mais aussi plus radical dans son scénario et son traitement, La jeunesse de la bête est un film curieux, à la fois un film noir baroque et pop et critique virulente des films de yakusa dont il fait pourtant partie (un dialogue dit d’ailleurs "vous les caïds, vous avez tous le même scénariste !"), d'une part, et du Japon plus globalement d'autre part.

Suzuki tente fréquemment des expérimentations visuelles fortes (couleurs, cadrages, compositions de plans) et n'hésite pas à se moquer ouvertement de la violence de ce genre de film en la réduisant à néant (filmée de trop loin) ou en la ridiculisant (bagarres assez burlesques ou avec un arrière-plan dérisoire). Le film va également à l'essentiel dans un scénario parfois un peu confus mais riche de rebondissements, lorgnant tout autant du côté du cinéma américain que du Yojimbo de Kurosawa (excusez la référence).

Mais plus intéressant encore, Suzuki va loin en critiquant le Japon, son mode de vie (l'importance de l'honneur : ici, c'est pour réhabiliter un ami qu'un ex-flic devient pourri et tortionnaire, ce qui ne colle pas vraiment avec l'esprit chevaleresque des yakuzas) et son refus de voir la réalité, que ce soit la mort (le faux suicide d'un policier) ou la violence (la scène du tabassage d'un gangster avec, en arrière-plan, tout le gratin japonais dans une boîte huppée). Ce n’est pas tant une histoire de gangster que Suzuki raconte mais bien le portrait d’un Japon dépassé par ses traditions et tentant d’ignorer la montée d’une nouvelle génération bien détachée de la précédente ; cela se traduira d’ailleurs au cinéma par la Nouvelle Vague japonaise (avec notamment Nagisa Oshima, admirateur de l’œuvre de Suzuki).

Bref, aidé par un casting sympathique dans lequel Joe Shishido s'illustre une fois encore, Seijun Suzuki continue avec encore plus d'audace et d'irrévérence à se moquer de tout et tout le monde tout en signant une oeuvre originale et marquante. J'adore !

Note : ****

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