On peut affirmer sans crainte qu’il existe deux Scorsese : un véritable auteur d’une part, et un cinéaste commercial d’autre part, brillant au demeurant. La couleur de l’argent, Les nerfs à vif, The Aviator ont prouvé que le cinéaste était plus que compétent à Hollywood, et Les Infiltrés a même réussi à souligner le talent incroyable du cinéaste à s’investir dans une œuvre impersonnelle comme un remake. Qu’en est-il de ce Shutter Island, adaptation d’un best-seller ?
Eh bien il ne faut pas se voiler la face : malgré son génie, Scorsese n'est ni Hitchcock (Spellbound) ni Kubrick (Shining), qu'on se le dise. Il n’empêche : il reste encore et toujours l'un des techniciens les plus brillants en activité. Le film est propre et clair, parfois un peu trop en se perdant dans le longues explications ou de longs bavardages qui font retomber la tension, à l’image de la dernière demi-heure qui si elle est essentielle n’en demeure pas moins un peu molle. L’ambiance est toutefois à souligner : par un habile jeu de lumière mais, surtout, une utilisation toujours aussi impressionnante de la musique (de Mahler à John Cage en passant par Ligeti), le film est angoissant et claustrophobe à souhait. Je regrette peut-être une utilisation moyenne des effets spéciaux (les séquences de rêves, pas toujours au point) mais ce n’est qu’un détail.
Côté acteurs, ils sont tous très agréables à regarder, DiCaprio n’étant peut-être pas aussi à l’aise que ne le sont Ben Kingsley ou Max Von Sydow dans leurs rôles ambigus. J’avoue avoir vraiment adoré la performance, courte mais efficace (il supplante carrément DiCaprio en 10 minutes) de Jackie Earle Haley (le Rorschach de Watchmen), qui reste définitivement un acteur au jeu puissant. Quant au scénario, il contient assez de rebondissements et de scènes angoissantes pour tenir la longueur, s’amusant à glisser de fausses pistes de ci de là.
Reste que tout cela n'a plus grand chose de scorsesien si on enlève tous les clins d'oeil cinéphiliques, subtils ("C'est le Kansas ici !" durant une tempête, écho à Wizard of Oz) ou non (Shining justement). Il n’y a pas cette patte qui faisait justement des Infiltrés un film de commande et personnel à la fois. Les fans purs et durs diront donc qu’il s’agit d’une œuvre mineure dans la filmographie du cinéaste. Ce à quoi je répondrai qu’un Scorsese, même mineur, reste un film au-dessus de la moyenne.
Note : ***
vendredi 23 avril 2010
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3 Comments:
C'est vrai, impersonnel, mais impressionnant !
J'étais sorti emballé de la séance. Avec le recul je suis un peu plus dubitatif, comme toi. Même si c'est un très bon film, on reste sur sa fin car c'est Scorsese. la fin m'a aussi un peu déçu mais bon sinon on est agréablement transporté pendant tout le film.
Scorsese n'est ni Hitchcock (Spellbound) ni Kubrick (Shining), qu'on se le dise.
-> Je te rejoins. Je me suis dit la même chose. J'irai plus loin, Scorsese est un bon cinéaste, cultivé et élégant mais n'est pas un génie.
J'ai bien aimé J. Earle Haley (formidable dans Little Children) et l'apparition de Patricia Clarkson. Pour les autres, j'ai trouvé que Di Caprio n'était pas très convaincant dans ce rôle (je l'aime pourtant bcp). Il serait temps que M.S. trouve d'autres acteurs pour camper son premier rôle. Léo ne peut pas tout jouer, désolé !
Je t'invite à venir voir ma fiche sur ce film(et m'incendier) si tu as le temps ;)
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