mardi 15 avril 2008

Paris


« Récemment, j'ai beaucoup filmé à l'étranger : à Londres, à St-Petersbourg, à Barcelone... J'ai eu envie de revenir chez moi, de parler de ma ville. D'autre part, il y a toujours eu beaucoup de Paris dans mes autres films (Riens du tout, Chacun cherche son chat, Peut-être...), mais jamais frontalement. J'avais l'impression d'avoir tourné autour du pot et là, j'ai senti que c'était le bon moment... » Et de là est né Paris de Cédric Klapisch.

Voilà donc le retour tonitruant du plus frenchie des cinéastes français, qui pour la peine revient à ses premiers amours : le film choral. Ne tournons pas autour du pot : n’est pas Robert Altman qui veut. Là où le cinéaste américain faisait preuve d’une dextérité inégalée (même par son plus fervent émule, pourtant doué, Paul Thomas Anderson), Klapisch fait hélas office de pâle figure. Non pas que le tout soit mauvais, mais disons que le cinéaste parisien n’a pas le sens du timing, du rythme nécessaire à ce genre de film : les histoires que propose Klapisch sont exploitées de manière trop courtes ou, inversement, de manière trop longues pour vraiment captiver l’attention du spectateur. Premier mauvais point.

Ensuite, pour rester dans le domaine des histoires, soyons tout aussi clair que pour le montage : c’est affligeant. Laissons d’abord le cinéaste se justifier : « On a très vite une connotation snob, prétentieuse, bourgeoise ou désagréable avec en plus le côté râleur qui n'est pas faux, raconte le cinéaste. Il y a un côté "jamais content" chez les Parisiens. C'est aussi une spécificité française : le héros français à la Gabin ou à la Delon, ou même les personnages de Céline, Léo Malet ou de Tardi. Chez eux, le Parisien tire la gueule, a du vague à l'âme, il n'est pas dupe et il est révolté... Il y a aussi quelque chose de beau et d'assez sain dans cette attitude. Paris c'est une ville de spleen. Il y a une mélancolie qui, bizarrement, est du côté de la vie, de la réaction et non de la résignation. Les grandes heures de Paris c'est la Révolution de 1789, la Commune, la Libération, Mai 68... Paris est connu pour ses moments de colères saines. J'ai aussi beaucoup entendu : "Paris n'est plus dans le coup" ou "Paris est une ville morte", et je trouve que ce n'est pas vrai. Après l'épisode des J.O. à Londres, il y a eu toute une série de signes qui tendait à montrer que Paris n'était plus aussi branché ou plus aussi "capitale". En réaction, j'ai voulu parler de Paris aujourd'hui, dans une époque peut-être plus banale. J'avais même pensé donner le sous-titre "Portrait éphémère d'une ville éternelle" » Le mérite du cinéaste est d’être au moins honnête avec nous : son film est chauviniste et prétentieux, il l’accorde. Mais là où l’ambition (qui, en soit, n’est jamais un défaut quand elle conduit à exceller) s’arrête de faire effet, c’est quand on se rend compte des effets de redite du film, l’enfilade de stéréotypes, l’intérêt zéro des soucis de la vie des bobos parisiens avec leurs petits (il m’aime, il m’aime pas) et leurs gros soucis (le personnage de Duris reste quand même malade du cœur). Si l’idée de base était d’illustrer Paris, d’accord, mais il faut alors le faire dans toute sa diversité tant culturelle que sociale. Et ça, Klapisch a du mal : le seul représentant non-nanti de l’histoire n’est autre qu’un immigré, puisque dans Paris même les commerçants de marché peuvent sortir avec des mannequins internationales. Faux, je me trompe : la classe ouvrière est assez représentée ici, mais de manière convenue : ceux qui ont de petits boulots ne s’en sortent pas (qu’on soit vendeurs ou assistante sociale). On reste donc, majoritairement, dans une classe à part : universitaire, aisée, en proie à des crises existentielles qui n’intéressent personne. Et puis on passe à un niveau inférieur, comme si le transitoire n’existait pas.

Le choix des acteurs, toujours dans la logique du « représentation du vrai Paris », est problématique, mais là Klapisch sait se défendre de manière convaincante : « J'aime découvrir à chaque film des nouvelles têtes, raconte le réalisateur. Dans Paris, il me semblait évident qu'il fallait mettre en scène la diversité. Il y a donc beaucoup d'acteurs et... oui, c'est vrai, beaucoup d'acteurs plutôt connus... Quand je me suis dit que j'allais appeler le film Paris, j'ai eu conscience qu'il fallait ressembler à la ville, c'est à dire alterner le banal et le monumental... Montrer la réalité neutre de certaines rues, mais aussi le côté grandiose et spectaculaire de certains lieux ou monuments. Pour les acteurs finalement, c'est un peu la même chose. Il fallait des gens anonymes et des monuments de cinéma. En travaillant avec tous ces comédiens, on n'est pas dans le banal, on est dans l'exceptionnel, dans le grandiose. » Accordons le bénéfice du doute donc. En revanche, si on tolère le casting archi connu pour jouer des inconnus, on ne peut laisser passer une direction d’acteur en-dessous des autres films de Kalpisch : Luchini fait son Luchini, Duris est exaspérant, Karin Viard joue les archétypes même de la patronne raciste mais qui engage quand même des maghrébins, et j’en passe et des meilleurs. Certains arrivent à tirer leur épingle du jeu, comme Juliette Binoche ou Albert Dupontel en mélancolique, mais hélas cela n’efface pas le reste.

Ce qui énerve probablement le plus avec Paris, c’est sans doute le fait que Klapisch se répète, encore et encore, et ce depuis quelques années : même personnages, même histoires creuses, même volonté de bien faire et puis finalement de sombrer dans la description d’un univers bobo parisien type, comme si il n’existait que celui-là. Et cette fois, s’en est trop. « Je reviens à une narration assez éclatée car, comme dans Riens du tout, il y a plus de dix personnages qui sont les narrateurs. Pourtant après Riens du tout, je m'étais dit que je ne recommencerai pas, tellement c'était difficile... ». Il aurait peut-être mieux valu Cédric…

Note : *

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