vendredi 7 décembre 2007

Les Choristes


Ah le cinéma français d’émotion, il aura déjà fait vibrer plus d’un spectateur le bougre. Spectateurs occasionnels, entendons-nous bien, car pour celui qui en verra 3 ou 4, il aura tôt fait de remarquer qu’au final, ils sont tous du pareil au même. Prenons le cas des Choristes.

Tout d’abord, il faut une histoire émouvante. Si elle n’est pas originale tant pis, on trouvera toujours bien un prétexte comme le prouve Christophe Barratier : « Ces deux thèmes, l'enfance et la musique, (...) m'ont logiquement amené à me souvenir de La Cage aux rossignols. J'avais vu ce film à sept ou huit ans en 1970-71, sur une des deux chaînes de télévision de l'époque. Il m'avait profondément touché. (...) J'en ai surtout retenu deux choses : l'émotion que font naître les voix d'enfants et ce personnage du musicien raté qui s'efforce malgré tout de changer l'univers de ceux qui l'entourent. » Exercice de rattrapage réussi, même si je me souviens qu’à la sortie du film, il y eut justement scandale parce que le film était fort proche du film d’origine et n’employait pas l’appelation d’usage, celle de « remake ».

Quand vous avez votre histoire, il faut bien évidemment la situer dans un contexte sociohistorique fort. L’après-guerre fait souvent effet, et ici nous sommes en 1949 mais attention, « Situer le film cette année-là n'est pas anodin. Après-guerre se sont constitués les fameux centres de réinsertion communément appelés maisons de correction. A la même époque s'est créée la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), qui a conféré aux enfants un statut juridique de celui des adultes. » dixit Barratier toujours. Mouais.

En plus de cette période sombre, il faut bien entendu un décor triste, histoire de souligner un peu plus le malheur des enfants (ah oui, les enfants, élément important, nous y reviendrons). En l’occurrence ici une école digne d’une prison, comme si toutes les écoles de la fin des années 40 se ressemblaient, diriger par un recteur désagréable et haïssant son métier et où un brave professeur va arriver, innocemment, et changer la vie de ces charmantes têtes blondes qui composent sa classe. De préférence, prenez un acteur rondouillard, apprécié du public pour sa simplicité (un Gérard Jugnot conventionnel fera très bien l’affaire) et n’hésitez surtout pas à l’employer à forte dose. Si vous en avez les moyens, quelques accompagnements bien dosés, style un François Berléand convaincant et un Kad Merad qui vole la vedette, feront passer le goût du film très facilement. Attention cependant à ne pas délaisser l’enfant, sorte de cerise sur le gâteau, qui devra séduire aussi bien les mères (« mais qu’il est mignon ! ») que les pères de famille (« chapeau le gamin de chanter comme ça ! »)

Evidemment, le plus compliqué est toujours de bien savoir doser le film sur l’ensemble. Ce genre de métrage, il faut le concevoir comme un soufflé : si à un moment vous faites une fausse manipulation, c’est foutu. Souvenons-nous ainsi de l’incohérence du personnage du recteur ici (qui passe de méchant à super sympa à encore plus méchant qu’avant) ou de choses relativement inutiles (le rejeton incurable qui ne sert de prétexte qu’au renvoi de Matthieu).

Une fois le film prêt à être dévoré, tâchez de le vendre efficacement : inutile de le mettre en rayon sans un minimum de présentation. Jacques Perrin est réputé dans le milieu pour très bien réussir cette partie. Reste à espérer dès lors que, suite à un bouche-à-oreille national, votre film attira tous les boulimiques de belles histoires, de belles voies, de ces films où il n’y a ni explosion, ni sexe, ni Ben Stiller. Vous parviendrez peut-être même à créer une mode chez les enfants, et les professeurs de chorale viendront vous remercier d’avoir regonflé leurs comptes en banque. Et tant pis pour les quelques mauvaises langues qui vous diront que votre film est déjà vu ou que ce n’est pas avec lui que la mode du cinéma français pépère (téléfilmesque ?) changera : un véritable artisan moderne ne se soucie jamais de la qualité de son produit mais de son succès. A bon entendeur.

Note : **

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