dimanche 21 octobre 2007

La griffe du passé (Out of the past)


Le film noir regorge vraiment d’anecdotes particulières : associé à un genre typiquement américain, il ne faudrait pas oublier qu’il trouve ses origines avec les chef opérateurs de l’expressionnisme (en particulier Karl Freund) et se voit, parfois, glorifié par des cinéastes non américains, à l’image de cette Griffe du passé du français Jacques Tourneur.

Adapté du roman Build my gallows high (lui-même fortement inspiré du Faucon maltais déjà adapté à l’époque par John Huston), la Griffe du passé devait permettre à Jacques Tourneur de prouver son efficacité dans un autre genre que le fantastique, et à Robert Mitchum de décrocher enfin son premier grand rôle (même si le rôle fut d’abord attribué à John Garfield, Dick Powell et surtout Humphrey Bogart que la RKO, productrice du film, ne pu obtenir faute d’un arrangement avec la Warner, employeur de l’acteur). Et bien qu’il ne soit pas le film le plus connu du genre (comment faire le poids face à L’ennemi public, Scarface, le Faucon maltais ou encore Little Caesar et l’Ultime razzia), la Griffe du passé devait rapidement être considéré comme un classique du genre, exploitant pleinement toutes ses caractéristiques (le héros est un détective au bon mot, la femme fatale, le bad guy manipulateur, une fin tragique et une photographie en noir et blanc très contrastée).

Il est encore plus intéressant de noter que le film noir était un genre qui devait convenir pleinement à Tourneur, puisqu’il fut créé à l’époque de la Dépression et que le cinéaste était réputé pour son économie des effets et aussi des moyens (La Féline, modèle du genre). Cette fois encore, Tourneur prouve qu’avec peu on sait faire beaucoup : axant son récit sur une suite logique de rebondissements et sa mise en scène au strict minimum (tout comme l’histoire d’ailleurs), allant à l’essentiel sans perdre de temps, Tourneur impose un rythme qu’il faut suivre dès le début, entraînant avec lui le spectateur qui ne pourra sortir qu’essoufflé de cet archétype du genre. Le réalisateur est doué, et il le prouve allègrement.

Aussi doués sont les comédiens, avec bien sûr une petite préférence pour Robert Mitchum, d’une sobriété confondante (pas de jeux de mots svp) et d’une ironie mordante très présente, qui en fait l’héritier direct d’un Bogart ; face à lui, immense Kirk Douglas qui se montre aussi à l’aise dans le registre méchant que gentil, et entre eux une pléiade d’acteurs (souvent réduits à des seconds rôles on a l’impression) qui sont largement crédibles. Il fat avouer que les personnages d récit sont assez bien construits, même si le rôle de Jane Greer devait provoquer quelques cris de protestation de la part d’associations féministes aux USA, lesquelles jugeaient humiliante la représentation de la femme à travers ce personnage il est vrai manipulatrice et diabolique autant que séductrice.

Œuvre méconnue du grand public, la Griffe du passé mérite amplement de retrouver un nouveau souffle, chez les cinéphiles et autres, afin de lui rendre sa place tant méritée : celle d’un chef-d’œuvre du film noir.

Note : ****

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