dimanche 14 octobre 2007

Bananas


Il faut parfois des années à un metteur en scène pour trouver sa voie ; Woody Allen, lui, n’aura mis qu’un seul film à comprendre quels étaient les éléments fondateurs de son univers, comme le prouve son second long métrage Bananas.

Déjà à la recherche d’un humour particulier (il donna ainsi le titre Bananas parce qu’on ne voit pas une seule banane dans le film !) et se souvenant de sa première expérience derrière la caméra, Woody Allen décie de se montrer bien plus corrosif qu’il ne l’était dans Prends l’oseille et tire-toi ! notamment envers la politique extérieure des USA. Tout d’abord, il se focalise sur la comédie : aucune goutte de sang ne sera ainsi montrée dans le film ; ensuite, il prête toujours attention aux remarques de son monteur, Ralph Rosenblum, qui lui conseille de changer la fin initiale (Woody Allen le visage maquillé au milieu d’une foule de manifestants noirs qui l’auraient reconnu comme l’un des leurs, une référence à un gag préalable dans le film) pour une conclusion plus en relation avec l’ensemble du film autrement dit le mariage avec Louise Lasser. Il laisse également une large part à l’improvisation et ne se démonte pas facilement ; ainsi la scène où les musiciens font semblants de jouer devait comporter de vrais instruments, mais le matériel n’arrivant pas Allen improvisa le reste de la scène.

Et ce n’était qu’un début. Allen sentait en effet le moment venu de dévoiler un peu de sa vraie personnalité : un personnage névrosé, ayant abandonné les études mais pourtant doté d’une solide culture (il lit Kierkegaard) et surtout, surtout !, obsédé par le sexe féminin. Entre gags basiques (l’achat de magazines coquins dans une librairie) et observation ironique sur l’acte (le final où la nuit de noce est montrée comme un reportage sportif), Allen exprime déjà ses angoisses par rapport au sexe opposé, puisque c’est pour séduire une militante qu’il part en Amérique du Sud. Le cinéaste n’hésite pas non plus à se moquer de l’Eglise et de la TV (la fameuse publicité pou les cigarettes religieuses entraîna la condamnation pure et simple du film par l’Eglise Catholique) et surtout aux USA avec la tentative ratée d’assassinat sur le nouveau Président Mellish, irrésistible Allen déguisé en Fidel Castro. Enfin, Allen commence déjà ses références avec cette fameuse scène parodiant celle des escaliers dans Le cuirassé Potemkine.

En attendant, Woody reste aussi bon derrière que devant la caméra, tirant la couverture à lui seul en dépit de seconds rôles sympathiques, du dictateur à l’aide de camp en passant par un figurant répondant au nom de… Sylvester Stallone.

Plus qu’un bon moment de détente, Bananas représentait surtout pour Woody Allen l’occasion de poser les bases de son univers qui explosera dès 1977 avec Annie Hall, soit seulement 6 ans après ce film. Plus subtil que Prends l’oseille et tires-toi !, Bananas mérite d’être redécouvert.

Note : ***

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