vendredi 22 octobre 2010

Le bruit des glaçons

J’adore Blier. Je vénère Blier. Je béatifierais Blier si je le pouvais. En dépit, je suis un inconditionnel de son cinéma, de ses bons mots, de son ton irrévérencieux, de ses pitchs, de ses acteurs, de sa mise en scène délicate et raffinée, aux teintes de lumière et de couleurs si particulières. Aussi, je souffre quand Le bruit des glaçons me refroidit autant.

Oui, l'idée de base est géniale, comme souvent chez Blier : un écrivain alcoolo qui rencontre un beau jour un mec qui dit être son cancer. Du Blier pur jus, totalement absurde, offrant une base très riche pour l’histoire à venir – histoire qui, comme souvent, ne sera pas à la hauteur tout du long.

Oui, les dialogues fusent et sont subversifs, absurdes, délicieusement noirs.

Oui, Dujardin est bon, et Dupontel aussi à mes yeux. Dujardin plus, évocation troublante (d’un point de vue physique, c’est clairement affiché) à Bertrand Blier lui-même, tour à tour drôle, léger et grave. Dupontel cabotine par moments, mais c’est le rôle qui veut ça et très honnêtement, je ne trouve pas que ça choque. On a dit que pour la première fois, Blier a écrit un rôle féminin digne de ce nom pour Anne Alvaro. Je ne partage pas cette opinion :d’abord, car il y a Monica Bellucci dans Combien tu m’aimes ?, ensuite car j’ai trouvé ce personnage de la bonne plat, sans envergure, effacé, servant presque de faire valoir à celui de Dujardin. Inversement, Myriam Boyer en cancer (elle aussi eh oui) est elle toujours aussi surprenante.

Mais le problème n’est pas là. Le problème, c’est que Blier ne s'amuse plus et du coup, on se fait chier. Il y a une véritable audace de ton (comme toujours) mais pas de narration (mélange pas toujours équitable entre cinéma et théâtralité mais loin d’un film comme Les Acteurs par exemple). Il y a des personnages secondaires qui ne viennent que rallonger le film (quid du fils ? de la première femme ?), des scènes inutiles (la baise), et un cruel manque d'inventivité en matière de mise en scène : morne, sans vie, sans élégance, la caméra ne fait que se poser et enregistrer, sans chercher à pénétrer les personnages.

Et puis ce terrible sentiment que j’ai ressenti tout au long du film : le fait que Blier est devenu aigri, lui qui se marrait avec le sexe ne jurant plus que par l'Amour, lui qui détournait la mort de manière absurde la regarde désormais frontalement, en ayant la trouille. Avant de clôturer le film par un happy end tiré par les cheveux, incohérent, indigne de Blier.

Qu’importe : la filmographie de Blier n’est pas en phase terminale, elle ne peut pas l’être. Ce génie, ce R.C.N.I. (Réalisateur Cinéma Non Identifié) du cinéma français prouve malgré tout ici, dans ce film en demi-teinte, qu’il reste un dialoguiste exemplaire et qu’il regorge encore d’idées à exploiter. Espérons juste que le mal de crâne de ce Bruit des glaçons ne durera pas.

Note : **

3 Comments:

Wilyrah said...

J'ai pas osé y aller, j'avais peur de m'ennuyer devant un film qui n'a rien à dire.


Pour Kaboom, tant mieux si tu y vas, par contre, je préfère prévenir, mieux vaut savoir à quoi s'attendre quand on va le voir. C'est un film assez parodique, décalé, un peu un grand n'importe quoi mais bien.

Je ne sais pas si tu as déjà vu d'autres films de Araki ?

neil said...

Je suis assez d'accord avec toi, j'ai même été encore plus cruel sur le film. Je m'y suis ennuyé ferme et n'ai même pas trouvé Dujardin convaincant. Mais Boyer, alors là, oui.

dasola said...

Bonjour Bastien, j'avoue avoir aimé ce film (pour les actrices). Il m'a réconcilié avec B Blier. Le "happy end" m'a plu, comme quoi...Myriam Boyer est sensationnelle aussi dans la pièce que j'ai vue la semaine dernière. Bonne après-midi.