lundi 25 octobre 2010

Gimme Shelter

Ouverture du film : les Stones regardent un documentaire... Sur les Stones. Sur un concert plutôt, celui d'Altamont, de sa conception à son déroulement jusqu'à son dénouement tragique. Ce concert qu’ils ont créé, qu’ils ont amené à terme, et qu’ils regretteront le reste de leur vie.

Petit historique : à l’issue de leur tournée américaine de 1969 qui marque leur grand retour aux États-Unis, les Rolling Stones décident de donner un concert gratuit à San Francisco où la sécurité sera assurée par les Hell’s Angels, comme à Hyde Park. Le concert aura lieu à Altamont (Californie). Vers la fin du concert, un spectateur, Meredith Hunter, brandit une arme de poing en direction de la scène. Tandis que la foule effrayée reflue, Alan Passaro, un Hell’s Angel membre de la sécurité, intervient et désarme le forcené en lui saisissant le poignet armé, puis lui poignarde le haut du dos, ou l'épaule, à au moins deux reprises. Mal rapporté par les médias de l'époque, l'incident assiéra la difficile réputation du club (il reste que le « forcené » est mort et que le Hell’s Angels a bénéficié de "la légitime défense" par le jury populaire, même s'il ne fait aucun doute sur le fait que le pistolet a été sorti avant le coup de poignard).

Sur fond de Satisfaction, Sympathy for the devil, Brown Sugar ou Honkytonk Women, on découvre donc l'envers du monde hippie, moyennement peace et pas vraiment love, où la déchéance liée aux psychotropes n'a d'égale que la violence régnant dans l'assemblée. Les femmes à poil côtoient les toxicos, qui côtoient les motards ivres et violents, qui côtoient des organisateurs désorganisés. C'est le portrait non pas d’un mouvement contestataire pacifiste et humain mais bien d'une génération en manque de repères, qu'on soit hippie ou Hell's Angels, qui est visible dans ce film. Elle est loin l’image de la fleur dans de longs cheveux d’une jeune fille aux seins nus ou d’un barbu cool. C'est aussi le portrait d'une utopie, celle d'un Woodstock bis étouffé dans l'œuf par une gestion bancale pour ne pas dire merdique, d’un public qui ne se rend plus compte de rien. D’une idée du paradis, on assiste à une véritable descente aux enfers.

En plaçant les protagonistes devant la démonstration de leurs erreurs, les cinéastes lancent un geste réflexif fort sur l'importance du documentaire, de la captation du réel comme trace, comme mémoire, comme source de remise en question. Charlie Watts, Keith Richards et surtout Mick Jagger palissent en revisitant leur passé pas lointain du tout, se rendant compte des négligences énormes qui ont coûté la vie à des gens qui venaient pour se détendre, fumer un peu (beaucoup) et voir gratuitement un groupe mythique dans un festival qui aurait du l’être lui aussi.

Image finale : Mick Jagger, son célèbre sourire totalement disparu de son visage, le teint blafard, se lève et s’en va, visiblement retourné par ce qu’il vient de voir : la fin d’une époque, celle de l’insouciance d’un groupe musical d’une part et d’une société toute entière d’autre part. Edifiant et effrayant.

Note : ****

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