vendredi 3 septembre 2010

Fog of War

Robert McNamara, né le 9 juin 1916 à San Francisco en Californie et mort le 6 juillet 2009 à Washington, est un homme d'affaires et un homme politique américain, secrétaire à la Défense de 1961 à 1968 sous les présidences Kennedy et Johnson et pendant la guerre du Vietnam, puis président de la Banque mondiale de 1968 à 1981. Vétéran de la seconde Guerre Mondiale, acteur de la crise de Cuba, élément-clé de la guerre du Vietnam, c’est donc tout un pan de l’histoire militaire des USA qu’il représente, et c’est ce pan qu’Errol Morris a voulu approfondir avec le principal intéressé.

La formation d’historien d’Errol Morris a sans doute été un point fort lors des entretiens qu’il a mené avec McNamara. Il n’empêche que très vite, on découvre la faiblesse de Fog of War : comme dans Une brève histoire du temps, Morris est tellement fasciné par son sujet qu’il le laisse évoluer en roue libre et, surtout, n’ose pas trop s’opposer à lui. Cette fascination a souvent été décriée concernant le film, notamment cette séquence finale quand Morris interroge McNamara sur sa responsabilité du massacre qu’a été la guerre au Vietnam : abdiquant face au silence de McNamara, Morris multiplie pourtant les angles de prises de vue sur le personnage, qui pour la première fois dans le film ne regarde pas la caméra mais justement en détourne le regard. Une manière de souligner la culpabilité de McNamara selon moi.

Errol Morris est fidèle à son style : sa mise en scène (car il s’agit bien de cela) est d’une élégance rare, la beauté de certains plans contrastant très nettement avec la violence du propos (il suffit de voir l’illustration du crâne tombant dans une cage d’escalier et se fracassant au sol pour parler des accidents de voiture pour s’en convaincre). Mais au-delà de la reconstitution et de la qualité des entretiens, c’est tout le travail d’archiviste mené par Morris qui impressionne, le cinéaste ayant été cherché des images jamais vues auparavant. L’illustration chez Morris n’a pas qu’une fonction d’accompagnement ici, elle retranscrit sans mots la tension de toute une époque et d’un pays en guerre.

Le point fort du film est cependant son sujet : Robert McNamara, malgré tous les défauts qu’on peut lui trouver, se souvient et raconte son histoire avec une précision, une franchise et un talent qui confinent à la fascination. McNamara est un pur personnage médiatique, capable d’attirer l’attention sur lui de par ses silences ou ses allocutions, ne semblant pourtant pas être ce qu’il est : une figure majeure de l’histoire des USA et disons-le de l’histoire du vingtième siècle.

Tout aussi édifiant et terrifiant qu’instructif, Fog of War est à sa façon une version post-moderne de L’art de la guerre de Sun Tzu. Et une véritable leçon de cinéma documentaire.

Note : *****

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