samedi 16 février 2008

Les fils de l'homme (Children of men)


Parfois, des films passent inaperçus et nous arrivent sans crier gare, comme ça, recelant d’un tas de bonnes idées. Children of men est de ceux-là.

Le film est l'adaptation du roman homonyme de P.D. James publié en 1993. C'est la productrice Hilary Shor qui a été attirée par cette oeuvre dès sa sortie et a pris une option dessus dès 1994. Il faudra quand même attendre 9 ans avant de pouvoir lancer véritablement la production. Alfonso Cuaron refusa d’ailleurs le premier script qu’on lui proposa, qu’il trouva assez mauvais. Ce n’est qu’après une réécriture que le cinéaste accepta enfin de se plonger dans la réalisation du film. Après avoir sondé leur entourage sur leur vision de l'avenir, Alfonso Cuaron et son partenaire à l'écriture, Timothy J. Sexton, ont décidé de se focaliser sur deux problèmes clés : le développement de vastes mouvements migratoires à l'échelle planétaire et l'effet "boomerang" de ces trois siècles de colonisation. Le réalisateur précise : « Nous avons élaboré une chronologie personnelle pouvant aboutir à cette vision de Londres en 2027, et nous nous sommes aperçus que certains évènements décrits dans notre scénario étaient déjà amorçés. Je ne cherche pas, pour autant, à apporter au spectateur des réponses toutes faites. Je l'invite plutôt à s'interroger. Il découvrira alors que ce film est un miroir qui lui renvoie sa propre vision, plus ou moins optimiste, de l'avenir. » Le film sera par ailleurs rempli de petits détails très significatifs quant à la morale du film.

Par exemple, on pourra reconnaître un drapeau des J.O. de 2012 à Londres, la chanson Arbeit Macht Frei des Libertines qui était la « phrase d’accueil » du camp d’Auschwitz ou encore dans la scène d’arrivée au camp un prisonnier faisant étrangement écho à une célèbre photo de prisonnier d’Abu Ghraib tandis que nous avons droit à un moment dans le film à une référence directe au Guernica de Picasso. Mais ce ne sont pas là les seuls éléments significatifs du film : par exemple, les noms des personnages ont été étudiés, comme Thelonius (le nom de famille de Théo) qui signifie en latin « tribut » mais aussi « douleur », alors que Kee est l’homophone de « chi », la force vitale de l’homme dans les cultures orientales. Enfin, quelques clins d’œil discret sont destinés aux spectateurs, comme l’étrange ressemblance entre le personnage de Michael Caine et John Lennon ou encore le fait que, comme dans le Parrain, un personnage mange une orange avant chaque événement tragique.

La vraie force du scénario réside donc dans l’idée d’aborder, sous couvert de science-fiction d’anticipation, des problèmes d’actualité (immigration, fanatisme religieux, racisme, pollution, problèmes des natalités) plus que dans le déroulement du récit, qui n’est pas vraiment original (le script faisant souvent écho, de manière indirecte, à 1984 d’Orwell).

Mais le véritable intérêt cinématographique du film est ailleurs ; c’est dans la mise en scène de Cuaron que le film est intéressant. Le directeur de la photographie Emmanuel Lubezki précise à ce sujet : « La caméra est ici un personnage à part entière. Un personnage inquisiteur, nerveux, qui vous jette au cœur de l'action et vous donne le sentiment de la vivre en direct. » Le film est ainsi tourné en grande partie en plans-séquences, à hauteur du regard du personnage principal. De fait, la caméra est souvent portée, donc ballottée dans tous les sens lors d’une explosion, une course-poursuite ou autre. En plus de détails réalistes, Cuaron joue aussi avec l’idée d’une mise en scène documentaire pour rendre son film encore plus percutant. Derrière cette approche du réel se cache pourtant une véritable envie d’innover notamment avec 4 plans-séquences très élaborés, mixant prises de vues réelles et effets spéciaux. Il en va ainsi du plan d’ouverture au sauvetage final lors de l’attaque de l’immeuble par l’armée, en passant par l’accouchement de Kee et, bien évidemment, celui qui a fait le plus parler de lui, le plan-séquence de la voiture.

Côté acteurs, Clive Owen est toujours aussi bon, présent de bout en bout du film et participant activement aux scènes d’action. Michael Caine est irrésistible en baba-cool anarchiste, Claire-Hope Ashitey dans le rôle de Kee (un temps dévolu à Emma Watson) se débrouille assez bien et Julianne Moore fait trop de figuration pour pouvoir pleinement l’apprécier. Bref un bon casting, pas parfait mais tout de même très agréable.

Film engagé, Children of men joue autant sur la fable que sur le divertissement, mais hélas avec trop peu de discernement que pour pouvoir établir un véritable jugement sur la société, sur nous-même. Le but du film n’est donc pas pleinement atteint, malgré son très gros potentiel ; il reste néanmoins la preuve d’une certaine audace de la part d’un cinéaste qui monte, qui monte…

Note : ***

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