dimanche 22 juin 2008

Cassandra's dream


Woody Allen aimerait-il le yo-yo ? A en croire sa filmographie depuis une dizaine d’années, on serait tenté de répondre oui : non seulement il passe d’un genre à un autre sans crier gare, mais la qualité des dits films suit également cette mouvance de haut et bas, bons et moins bons. Hélas, son dernier film londonien Cassandra’s dream descend, mais ne remonte pas.

Après avoir brillé avec Match Point mais divisé avec Scoop et vu son projet parisien tomber à l’eau faute de moyens, Woody Allen a donc continué sa tentative d’explorer les tréfonds de l’âme humaine, dénoncer une société de classe, maudire les mensonges, craindre la mort… L’homme qui tourne plus vite que son ombre (Colin Farrell dira dans une interview que « ce film a nécessité moins de prises qu’une seule scène de Miami Vice ») réitère donc une tentative de réaliser une tragédie (son grand rêve), comme il avait déjà pourtant réussi admirablement à le faire avec Crimes et délits et Match Point. On retrouve d’ailleurs cette inspiration commune pour l’œuvre de Dostoïevski (Les frères Karamazov et Crimes et châtiments entre autres) dans Cassandra’s dream, à la différence près que cette fois, ça ne marche plus. Est-ce parce que le cinéaste quitte le milieu bourgeois intello, qui sied tant à l’esprit critique de l’écrivain russe, pour deux loosers de la middle-class londonienne (difficile de dissocier le film d’Allen des films de Ken Loach ou Stephen Frears ici), toujours est-il que le film n’atteint pas son objectif de nous faire réfléchir.

C’est fort dommage, car l’ironie ambiante (so british d’ailleurs) donne au film un ton plus humain que Match Point par exemple, et aurait donc du rendre le film plus accessible. Mais en délaissant totalement l’univers fantasmé d’une classe faussement supérieure, à laquelle Woody a fini par nous habituer, au profit d’une classe bien plus proche de nous (modestes ou nantis), Allen nous a perdu. Pire, il nous mets mal à l’aise, ne crée plus de distance avec son sujet et mets ses personnages à notre hauteur, ce qui fait de nous des loosers assassins en puissance. Un pessimisme qui atteint ses limites, et déroute autant qu’il indiffère (par hypocrisie) le spectateur.

Même les acteurs laissent de marbre, à l’exception notable de Colin Farrell, attendrissant en nounours dépressif et à la mauvaise conscience, alcoolique et joueur invétéré. Il est bien le seul de la bande, pourtant joliment constituée (Ewan McGregor, Tom Wilkinson…) à tirer l’épingle de son jeu, et à donner assez de consistance à son personnage.

Une petite mention est aussi à faire pour la musique, étrange, de Philippe Glass. Si Allen nous avait habitué au jazz lors de sa période américaine, il semblerait que sa période européenne le conduise à de nouveaux horizons (opéra, classique) jusqu’à ce compositeur contemporain, qui signe ici une partition intéressante mais pas pour autant transcendante comme il a déjà su le faire auparavant.

Film standard, trop pour vraiment convaincre, Cassandra’s dream est le signe d’un essoufflement créatif. Pour sa défense, le cinéaste dépasse désormais les 72 ans, mais si on repense à ces grands maîtres Akira Kurosawa (qui a fait Ran à 74 ans), Sidney Lumet (qui tourne encore à 84 ans) ou même le modèle absolu de Allen, Ingmar Bergman (qui avait réalisé Sarabande à 86 ans !), on est en droit de se sentir déçu. Ou, plus exactement, frustré. Fallait pas nous habituer à de grands films, Woody.

Note : **

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