samedi 9 juillet 2011

HH, Hitler à Hollywood

Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, j’ai fait des études en arts du spectacle, spécialisation cinéma documentaire (non pas que c’est mon genre de prédilection mais ils ne proposaient que ça dans la branche ciné donc bon). Je dois reconnaître que depuis, je suis devenu, et je m’en rend compte moi-même, assez intransigeant sur le cinéma documentaire justement. Je vous dit tout ça car l’avis qui va suivre parle justement d’un docu-fiction dont j’attendais beaucoup et qui, au final, m’a prodigieusement gonflé.

Voici donc Maria de Medeiros qui décide de faire un portrait de Micheline Presle. Au cours d’une conversation, Micheline Presle va évoquer un cinéaste maudit, mystérieusement disparu, et de là va découler une véritable enquête de Medeiros et son caméraman sur les liens entre cinéma, politique et hégémonie hollywoodienne qui l’amèneront à Bruxelles, Cannes, en Allemagne, à Venise et à Malte…

Le docu-fiction, en général, j’aime bien : je suis un grand admirateur du travail de Peter Watkins, par exemple. Mais ce genre si particulier exige une rigueur de mise en scène de chaque instant, ce que Sojcher ne fait pas : cadrages impossibles pour une caméra à l’épaule, univers sonore impossible en documentaire, toutes les erreurs trouvent place dans le film, décrédibilisant le procédé du film et, par-là même, son discours. Quoique ce n’est peut-être pas plus mal, car ce dernier est douteux et réac : le cinéma américain, c’est le mal, il faut que le cinéma européen d’auteur prenne sa revanche et devienne la norme ! Mouais, perso j’y crois pas trop. Le pire, c’est que ce discours est celui du film mais pas de son auteur, Frédéric Sojcher avouant aimer le cinéma américain sans aucune honte. Deux vitesses pour la forme, et deux vitesses pour le fond donc.

Pour le reste, j’avoue ne pas avoir accroché au film dans son ensemble : les actrices sont mauvaises, je m’en excuse mais c’est vrai, l’humour tombe très souvent à plat et l’esthétisme… Bah, oui, parlons-en tiens : tourné avec le Canon 5D (une merveille), le film a entièrement été retravaillé en post-prod pour obtenir une image bien particulière, à la luminosité et colorisation faibles à l’exception de certaines actrices qui bénéficient d’une saturation, comme pour les détacher de l’image. L’idée est sympa mais, à nouveau, le procédé trouve bien vite ses limites et devient lassant, tout du moins peu agréable.

On est donc bien loin du premier film du réalisateur, Cinéastes à tout prix, documentaire un peu léger mais de facture honnête et qui développait déjà, sans discours démagogue derrière, un véritable amour du cinéma d’auteur. Le pire ? C’est que Frédéric Sojcher est un historien et théoricien du cinéma plus qu’intéressant, ses écrits sur la manière de faire des films devant être lus par le plus grand nombre à mes yeux. Y a encore de la marge entre les cahiers et les plateaux, on dirait…

Note : *

mercredi 6 juillet 2011

Pina

Wim Wenders, Pina Bausch, 3D : voilà bien trois éléments dont l’association pouvait intriguer. Disons qu’à part la modernité, on ne voit pas trop ce qu’ils ont à faire ensemble ces trois-là. Surtout si on englobe le tout dans un genre appelé « documentaire ».

Le fond du film est évidemment énorme, dévoilant au travers de nombreuses séquences tout le talent et le génie chorégraphique de Pina Bausch. Je ne suis pas un grand connaisseur en danse (contemporaine de surcroît) mais la question du corps m’a toujours plue, et Pina Bausch est un modèle dans ce domaine : tout son art repose clairement sur la répétition du geste, sur l'explosivité du mouvement et sur le dépassement et paradoxalement la maîtrise de soi. C’est joyeusement bordélique, ça part dans tous les sens en apparence mais ça possède un véritable but quand on y fait bien attention. Et il faut bien reconnaître que la 3D est très bien utilisée ici, jouant de ce qui est propre à la danse contemporaine : l'espace. C’est peut-être bien là le seul intérêt, à mes yeux, de la 3D, au-delà des traditionnels effets de surgissement propres au cinéma d’horreur : pour la première fois (qu’on arrête de me parler d’Avatar), la 3D sert pleinement le film et son récit, lui conférant une toute autre dimension.

Mais le problème se situe justement là : si la technique de la 3D et l’art de Pina Bausch sont résolument modernes, Wenders se complait dans un documentaire-hommage trop classique, trop convenu. C’est pour le moins paradoxale, vu que Wim Wenders pratique lui aussi un cinéma habituellement moderne, mais c’est pourtant le cas : aux interminables petits mots de chaque danseur (Pina était géniale, Pina était grandiose, Pina était la meilleure) Wenders ajoute une narration somme toute académique, à savoir un extrait, une interview, et de temps en temps une image d'archives, et on recommence. On appréciera sans aucun doute le fait d’être sur « scène » avec les danseurs, au plus près d’eux, mais cela n’a absolument rien de neuf et, au final, ce plaisir est gâché par une rupture très nette de rythme, d’ambiance, de magie de l’instant par ses interventions certes chaleureuses et émotionnelles mais au final agaçantes.

Pina me laisse donc un goût de déception mêlé à de l’admiration : une artiste sublimée, une technique cinématographique maîtrisée, mais une mise en scène et un montage d’un classicisme déstabilisant. Wenders n’a pas joué la carte de l’audace jusqu’au bout apparemment, et c’est bien dommage.

Note : **

dimanche 3 juillet 2011

Le marin des mers de Chine ('A' gai waak)

Quand j’étais gosse, j’adorais les films où on se tapait : Jean-Claude Van Damme, bien sûr, mais j’avais quand même une préférence pour un gros crétin qui faisait plus le pitre qu’autre chose au final : un certain Jackie Chan. Et j’ai découvert un jour, par hasard, Le marin des mers de Chine, que j’avais bien aimé puis oublié. Eh bien je peux vous assurez que des révisions, parfois, ça fait du bien !

Ce film est probablement l’un des sommets de sa carrière, tant comme acteur que comme réalisateur. Bon, jouons cartes sur table, le scénar casse pas trois pattes à un canard hein, faut pas abuser, même si je lui trouve un petit côté subversif pas déplaisant, à savoir que ce sont bien des Chinois qui vont devoir sauver les colons britanniques des pirates, incapables que sont les Occidentaux de faire face. Pour le reste, la formule habituelle : cocktail de comédie, d’action et de cascades hyper impressionnantes, aussi bien pendant que hors des combats.

Où se trouve le génie du film ? D’abord dans ces fameuses cascades, qui comptent parmi les plus incroyables de Jackie Chan (il suffit de voir la séquence où il tombe de 4 étages, sa chute n’étant freiné que par des toiles qui se déchirent au fur et à mesure). Et puis ces combats, à la fois brutaux et esthétiques, rythmés et d’une chorégraphie exemplaire à chaque fois. On dira ce qu’on voudra, mais il est impossible de battre le cinéma asiatique sur ce terrain-là, en particulier la Chine et Hong Kong.

Deuxième point fort du film, son trio principal, à savoir Jackie Chan, Sammo Hung et Yuen Biao, qui fonctionnent tous les trois ensemble sans le moindre problème. Bon, faut dire que passer son enfance à vivre les uns avec les autres et à s’entraîner toute la journée, ça favorise le bon travail, mais justement le résultat est visible et franchement agréable. Ce n’est pas tant un simple film d’action que réalise Jackie Chan mais bien un film entre amis, pour se marrer.

La cerise sur le gâteau ? C’est que Jackie Chan signe un hommage incontestable au cinéma burlesque qu’il semble admirer énormément. Tout y est : de Buster Keaton, Chan a retenu le sens de la cascade et de la maîtrise du corps (et, accessoirement, une course-poursuite en vélo qui n’est pas très éloignée de celle à moto de Sherlock Jr) ; de Charlie Chaplin, Chan a retenu le sens de la grimace mais aussi ce besoin de secourir les femmes, au risque de sa propre peau face à des bandits ou n’importe quel danger ; de Laurel et Hardy, Chan a conservé le sens du duo qui se tape sur le système l’un de l’autre, illustré ici avec la complicité de Sammo Hung, par ailleurs un acteur assez gros face à Chan, assez maigre ; enfin, le clin d’œil à Safety Last d’Harold Lloyd avec cette fameuse scène de l’horloge qui a par ailleurs, il faut le rappeler, failli couter la vie à Jackie Chan, la chute ne devant initialement pas avoir lieu mais l’acteur passant au travers des sécurités établies…

Un bête film de kung fu, Le marin des mers de Chine ? Non, un vrai film de cinéma !

Note : ****