jeudi 8 décembre 2011

Tuer ! (Kiru)

Pour être franc, Kenji Misumi est un cinéaste qui m’était totalement inconnu avant de découvrir Tuer. Il est pourtant l’auteur de deux séries assez connues au Japon et par les amateurs de films de sabres nippons : Baby Cart et surtout Zatoïchi. C’est pourtant par sa trilogie de la Lame que j’ai voulu débuter, et Tuer en est le premier volet.

La première chose qui frappe, et ce de manière assez évidente, est le véritable travail de mise en scène qu’effectue le cinéaste tout au long de son film : composition des plans, cadrages, effets de montage, mouvements dans l'image et déplacements des acteurs semblent ainsi correspondre à autant de tableaux et que des chorégraphies diverses. Pour être plus précis, le film fait penser fréquemment à des estampes japonaises mais aussi au théâtre du kabuki, dans cet art de figer les corps dans l’espace. Raizo Ichikawa, l’acteur principal, excellent au demeurant, est lui-même issu du kabuki.

Plus d’une fois, Misumi fait preuve d’une certaine modernité dans son travail plastique, mais celle-ci est également soutenue par une noirceur que Misumi assume totalement. La figure du Destin semble être le moteur du récit, le pauvre héros étant condamner à vivre et (faire) périr par le sabre qu’il porte constamment sur lui.

Autant le dire, Tuer n’a rien de franchement drôle, et ne possède même pas un quelconque second degré. C’est d’autant plus problématique qu’en réalité, le film manque cruellement d’audace, tant sur la narration que sur le scénario, inabouti (malgré le fait qu'il soit signé Kaneto Shindo) où les séquences s’enchaînent tant bien que mal, et où la profondeur du personnage n’est jamais réellement exploitée. Il s’agissait pourtant d’un bon sujet, à la fois typiquement dans la veine du genre du film et susceptible de devenir universel. Mais il n’en est rien.

Une semi-déception donc, tant le potentiel du film est palpable mais inexploité, laissant place à une œuvre peu convaincante ; il faut dire qu’on a déjà vu bien mieux en terme de film parlant de ronin, et surtout bien plus captivant et palpitant.

Note : **

lundi 5 décembre 2011

Fucking Kassovitz


Après la Nuit américaine de Truffaut, le Cauchemar américain de Mathieu Kassovitz.

À l'instar d'un What is Brazil (le making of du film de Gilliam), Fucking Kassovitz souligne point par point comment un projet alléchant et ambitieux est devenu une série B à peine regardable. Producteurs frileux, équipe technique bancale, acteur arrogant et antipathique, restrictions de budget, prise de contrôle par les Américains, retouches de scènes sans tenir compte du scénario : rien n'a été épargné à Kassovitz, qui sort un peu du film comme la pauvre victime. Certes, il l'est, mais dans une certaine mesure seulement : l'intelligence de François-Régis Jeanne est de laisser, au détour de 2-3 séquences, le spectateur se faire son opinion sur la part de talent de Kassovitz et la part de son ego et de son arrogance.

Au final, tout le monde a tort, certains plus que d'autres. Plus chanceux que Gilliam sur The Man who killed Don Quixotte mais moins talentueux que lui sur Brazil, Kassovitz n'a pas su empêcher le naufrage de son second bébé américain, la faute à une difficulté non pas tant de communication mais de résistance artistique parfois justifiée et parfois surfaite.

Sublime et éloquent quant au fonctionnement du cinéma américain une fois qu'un Européen y tente sa chance.

Note : ****

vendredi 2 décembre 2011

On connait la chanson

Le principe est simple : un film, d’apparence classique, avec une multitude de personnages, qui occasionnellement de ne s’exprime plus par leurs propres voix mais avec des chansons françaises populaires. Le premier film blind-test de l’histoire du cinéma ?

L’idée prête à sourire, mais réduire Alain Resnais à un auteur de films conceptuels serait une grave erreur. On connaît la chanson n’est pas un prétexte à enchaîner sans trop de lien diverses chansons qui n’ont pas toujours beaucoup de points communs (on passe quand même de Téléphone à Léo Ferré par exemple…) : chez Resnais, même si les transitions ne sont pas toujours des plus limpides, il faut au moins reconnaître qu’elle ne supplantent pas le récit, s’intégrant en lui avec plus ou moins de succès et fréquemment une bonne dose de dérision. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : si le film reste avant tout une comédie profondément dramatique, Resnais accentue le mot « comédie » par un second degré permanent, les chansons étant employées de manière cynique et avec une pointe d’ironie jubilatoire. En outre, le procédé ne lasse pas car il n’est pas utilisé avec abus.

Evidemment et comme bien souvent chez le Resnais de ces dernières années, le casting y est pour beaucoup dans la réussite du film : rodés au cinéaste, au genre ou tout simplement à leur métier, les acteurs sont suffisamment dynamiques pour faire passer le film, et les têtes d’affiche viennent forcément emporter le morceau, notamment Jean-Pierre Bacri en loser qui refuse de l’admettre et André Dussolier en quinqua amoureux comme un ado. Meme Agnès Jaoui, avec laquelle j’ai beaucoup de mal, ne m’a pas déplu, c’est dire.

Dommage par conséquent que malgré sa vitalité, le film n’est pas totalement convaincant : la faute à une histoire qui n’est pas un peu plus riche en événements, les séquences étant souvent tirées en longueur et quelques coups de mou n’aidant pas les choses. Dans l’ensemble, rien de grave, tant le film reste avant tout plus divertissant qu’autre chose, même si Resnais ne renie jamais totalement sa veine expérimentale, sur le son ici mais aussi sur le visuel (ces plans de méduses). Resnais, à la fois auteur audacieux, intellectuel et populaire.

Note : ***