dimanche 30 avril 2006

Ocean's Twelve


Une suite vraiment pas indispensable que cet Ocean’s Twelve.

En gros, on reprend les mêmes et on recommence : trois ans plus tard, voici revenir Georges Clooney, Brad Pitt, Don Cheadle, Matt Damon, Julia Roberts, Bernie Mac, Elliott Gould et compagnie pour le nouveau casse du siècle, histoire de rembourser Andy Garcia, intérêts compris. A noter que, toujours plus fort, on rajoute Catherine Zeta-Jones, Vincent Cassel et même Bruce Willis au casting !

Oui, sauf qu’à empiler les vedettes, on en perd le fil, et certaines se voient reléguer au simple rang de guest-stars. Pour Willis, aucun souci (c’est le but aussi) mais pour Cassel, Roberts, Garcia, on sent l’arnaque. Même Elliott Gould, pourtant effacé (une honte, comme dans le premier film !) est plus présent qu’eux !

Heureusement, le trio vedette est toujours aussi agréable, plus particulièrement encore Clooney et Pitt, véritables amis maintenant, qui s’amusent encore plus qu’avant sur le tournage.

Et heureusement d’ailleurs que cette joie, ce plaisir soit communicatif. Car c’est vraiment là que réside la faiblesse du film, cette sensation de laisser-aller inhabituelle chez Soderbergh. C’est sympa, mais trop d’impro devient barbant. Pire, chacun n’a pas la classe de tenir longtemps dans ce style de jeu. On retiendra quelques exemples frappants de réussite (le coup du café à Amsterdam) comme d’échecs cuisants (l’interrogation de Clooney sur son âge).

Sans compter les longueurs que cela entraîne, et qui elles aussi s’avèrent légions. Même dans les descriptions de casse, on finit par se lasser, alors que dans Ocean’s Eleven on trouvait cela fun. Dur dur…

Heureusement, le film reste drôle, et pour les amateurs du genre, Vincent Cassel nous gratifie d’un numéro de capoeira incroyable, frimant un peu grâce à cet art martial brésilien. Un ballet technique peu élaboré mais grandiose, dévoilant une facette de l’acteur français que finalement peu connaissent.

Un divertissement moins réussi que le premier donc, surtout dû à un scénario mince et une mise en scène trop libertine pour ces acteurs s’amusant comme des gosses. Preuve que même dans le laisser-aller, il faut un minimum de rigueur.

Note : **

L'Age de glace 2 (Ice Age : The Meltdown)

Deux films en un pour cette comédie d’animation survoltée qu’est L’âge de glace 2 !

Quatre ans après leurs premières aventures, revoilà le trio Syd, Diego et Manfred réuni à nouveau pour, cette fois, échapper à la fonte des glaciers. Sauf que chacun a ses problèmes sur le côté : Syd veut gagner le respect des autres, Diego a une phobie de l’eau et Manfred ne veut pas être le dernier de son espèce ! La rencontre avec une femelle mammouth et de ses deux « frères » opossums va changer la donne…

Pour être honnête, rien de bien original dans cette suite. Même de l’inutile (les deux monstres libérés de la glace : quel intérêt si ce n’est jouer un rôle vers la fin du film, alors qu’on ne les voit quasiment pas le reste du film ?), comme si atteindre l’1H30 de projection avait été un objectif. On continue de plaire aux enfants avec des gags lorgnant chez Tex Avery, on insère une petite histoire d’amour parmi toutes ces histoires d’amitié, bref on tente de séduire le public autant qu’il ne l’avait été lors du premier épisode. Mais la vraie réussite de L’âge de glace ne résidait pas dans le trio de tête, et ça l’équipe l’a bien compris…

En effet, ce qui rendait le premier opus irrésistible, c’était Scrat, sorte d’écureuil préhistorique abonné à la malchance, véritable fils spirituel de Tex Avery, buté comme personne sur la possession d’un et d’un seul gland ! Si dans le premier film, nous avions droit à une bonne dizaine de minutes de gags (basiques mais tellement jubilatoires), tout le monde a compris qu’il devait avoir son propre film. Et voici chose faite, où au sein même de L’âge de glace 2 il se voit offrir facilement la moitié de la pellicule. Et cette fois, les gags sont plus gros que des maisons. Le pire, c’est qu’on ne peut y résister. A force de le voir rater, on en vient à avoir de la sympathie pour ce rongeur borné, qui sans dire un seul mot nous fait hurler de rire. Hommage au cinéma muet ? Sans aucun doute. Pour être tout à fait juste, le film mérite d’être vu uniquement pour lui, Scrat, roi des poisseux (et des poissons après une séance kung-fu à faire pâlir Bruce Lee) et maudit du gland.

Pour les puristes, la technique du film est irréprochable. Certes, peu d’innovations par rapport aux décors du premier film, mais le travail effectué sur l’eau est tout simplement remarquable.

Film au rythme soutenu, mélangeant deux histoires distinctes qui finiront par se réunir dans un final logique (au vu de comment et à cause de qui tout à commencer…), L’âge de glace 2 rempli son rôle de suite : faire passer un agréable moment. Et il parvient tout autant que le premier film, pour ne pas dire plus.

Note : **

dimanche 16 avril 2006

The Island


Du gâchis pur et simple que ce The Island.

Faut dire que déjà à la base, on est très sceptique : le réalisateur n’est autre que Michael Bay. Pro du montage rapide et de la pyrotechnie, il n’en est pas moins un cinéaste très loin d’être intellectuel. Il suffit de regarder sa filmographie pour s’en convaincre : Bad Boys I & II, Rock, Armageddon, Pearl Harbor… Hum hum. Du grand spectacle certes, mais sans aucun fond (même si certains verront en Bad Boys une ode à l’amitié et à la justice, Armageddon et Pearl Harbor des films d’amour comme on en fait plus et Rock l’histoire déchirante d’un ancien détenu tentant de racheter son pardon auprès de la société… Brrrrrr à faire froid dans le dos…). Mais le casting est alléchant (Ewan McGregor, Scarlett Johannsson, Steve Buscemi, Sean Benn, Djimon Hounsou, Michael Clarke Duncan…). Et Bay a quitté l’horripilant Jerry Bruckheimer pour cette histoire sur fond de clonage humain. Alors bon, soit, tentons.

Départ en beauté. Ca commence avec un décor paradisiaque, style carte postale, et un bateau genre grand luxe que même en rêve on peut pas se payer. Mais cette escapade magique vire au cauchemar rapidement et voilà notre héros réveillé en sueur, de retour à la triste réalité. Faut dire qu’à mi-chemin de 1984 et de THX 1138, c’est pas la joie là-bas. Mais tout change quand notre cher clone découvre qu’il en est un, et que tous ses petits copains aussi. Le voici donc parti à la recherche de son identité, autrement dit de son original.

Et c’est là que tout dérape vraiment. Mais alors, en beauté. Michael Bay, qui nous avait montré une facette plus calme que d’habitude jusque là (trop même, le rythme étant assez lent ce qui offre au film un début bien trop long…), il retrouve ses grandes envies de voitures explosées, de coups de feu plus nombreux que les chargeurs, d’effets visuels et d’un montage clipesques… Affligeant. On saluera n’empêche au passage Microsoft pour sa généreuse collaboration (soirées X-box, téléphones MSN…)

Reste donc le casting, mal équilibré il en convient, mais qui fait pourtant tout pour sortir la tête haute du film. Leurs efforts ne sont pas vains puisqu’on finit par les apprécier à leurs justes valeurs. C’est un peu ça aussi, le paradoxe Bay : proposer de mauvais films à de bons acteurs, lesquels acceptent de suite…

Le scénario, qui aurait pu être grandiose, se voit donc raccourci à une page, un prétexte pour enfiler scènes de poursuites tonitruantes et, accessoirement, une petite scène de cul entre les deux protagonistes.

Du gâchis donc… Ou peut-être pas. Tout dépend si on reste campé sur ses positions ou si, par bonté, on oublie ses préjugés et on tente d’exploiter pleinement l’univers d’un cinéaste. Mais des fois, on ferait mieux de s’abstenir…

Note : *

V for Vendetta


Du divertissement intelligent et réussi que ce V for Vendetta.

Il faut savoir que le film est inspiré d’une bande dessinée de David Lloyd et d’Alan Moore (oui, je sais, on nous l’a assez rabâché pendant la promo du film). Il faut aussi avoir que le film a été écrit par les frères Wachowski, créateurs de Matrix, lesquels ont confiés la réalisation à James McTeigue, assistant-réalisateur sur la trilogie (comment ça, vous le saviez aussi ?). Il faut aussi savoir que le film comporte un casting des plus impressionnants en la matière : Nathalie Portman, Hugo Weaving, Stephen Rea (The crying game), Stephen Fry (inoubliable Oscar Wilde), John Hurt… Bon, d’accord, j’ai compris, passons à l’essentiel !

Nous voici donc plongé au cœur de cette ode à la liberté. Tout commence d’ailleurs par un flash-back historique : l’arrestation de Guy Fawkes, anarchiste complet qui tenta de faire sauter le Parlement, le 5 novembre 1605. Puis, sans crier gare, nous voilà bien des siècles plus tard, dans le même Londres mais légèrement devenu un Etat pourri gouverné par un dictateur sans vergogne.

L’air de ne pas y toucher le film aborde une série de thèmes tous plus différents et intéressants les uns que les autres : l’art, la liberté, l’amour, les notions de Bien et de Mal, la science…

L’art car le film est un hommage à la littérature, la musique, le cinéma, la peinture… Déjà dans l’esprit du film règne un mélange de 1984 (un Londres ultra surveillé où le même visage revient sur les écran quotidiennement) et d’Orange Mécanique (l’idée de se rebeller contre le pouvoir en place par une site d’actions violentes), voir même de Fahrenheit 451 et If dixit le réalisateur lui-même. Puis viennent les références directes : L’ouverture 1812 de Tchaikovsky comme thème, Cry me a river de Julie London comme thème romantique, Le comte de Monte Cristo, la commedia dell’arte à travers le masque de V… Même des références qui n’ont pas l’air d’en être sont disséminées ci et là (tel ce braqueur qui, fier de son méfait, hurle « Anarchy in the U.K. ! » à la manière d’un Sex Pistols). Pour l’anecdote, le film fut tourné dans les studios qui accueillirent autrefois un certain Métropolis de Fritz Lang…

La liberté, sujet fondamental du film, sous de nombreuses formes : la liberté d’expression bien sûr (attaquée par des J.T. trafiqués) mais aussi celle de pouvoir choisir. Choisir son camp politique, choisir de ne pas se laisser faire, choisir sa sexualité… Ce petit côté anarchiste, on le doit surtout aux créateurs de la bande dessinée originelle, lesquels exprimaient leurs rages envers le gouvernement de Margaret Thatcher via leur BD.

L’amour lui est abordé moins frontalement. Outre l’annonce d’une soi-disant évolution des mœurs qui en est restée au stade primaire (le refus de l’homosexualité dans les esprits puritains), l’amour entre Evey et V est une véritable relation humaine, avec tout ce que cela peut comporter de complexité : amitié, haine, compassion, dégoût, amour, aucun sentiment n’est négligé.

Reste la notion du Bien et du Mal, peut-être le véritable sujet du film. En effet, chaque conviction que l’on se fait avant (et même pendant) le film : peut-on vraiment aimer un meurtrier agissant par vengeance ? Peut-on justifier ses actes sous simple couvert de vouloir changer les choses ? Est-ce vraiment sain de se retrouver, d’une façon ou d’une autre, dans le personnage de V ?

Il convient, en tout cas, de saluer les prestations tantôt géniales tantôt extraordinaires des acteurs. Tout d’abord, honneur à la dame : Nathalie Portman. Comme à son habitude, elle parvient à insuffler à son personnage une dimension humaine à son personnage fictif, jouant à merveille la fille déboussolée puis la révolutionnaire. Une fois encore, on sent comme une influence de 1984, où Evey est presque un parallèle au personnage de Winston : marre de cet Etat dirigé par un dictateur, cherchant chez un autre l’idée d’une révolution… L’autre, le célèbre V, est probablement le personnage le plus intéressant du film. D’une complexité plus que fascinante, il représente tout ce qu’un être humain peut-être : cultivé, arrogant, romantique, violent, ironique, égocentrique, sarcastique, gentleman, protecteur, dangereux… V, c’est un peu une partie de nous que l’on aime ou non. Et pour cela, il faut vraiment applaudir Hugo Weaving, ex-agent Smith des Matrix, qui confère à ce personnage à la fois attirant et repoussant une dimension tragi-comique. Ce qui différencie sa performance de celles des autres acteurs, c’est qu’il parvient sans jamais dévoiler son visage à faire ressentir des émotions, à troubler par ses simples gestes, à créer une distance entre la réalité et la fiction tout en permettant l’identification voir même la sympathie pour cet anti-héros meurtri. De l’interprétation incroyable. Si bien qu’on regrette dès qu’on ne le voit plus à l’écran. Une erreur, car on vendrait presque à rater un Stephen Rea certes loin de sa meilleure forme mais tout de même convaincant, et un Stephen Fry toujours aussi classe dans l’ironie. A noter la petite note d’humour finale du réalisateur, qui fut de confier le rôle du dictateur Sutler à… John Hurt, immense acteur britannique qui avait joué, entre autres, le rôle de Winston Smith dans l’adaptation de 1984 par Michael Radford…

La petite frayeur cependant, provoquée par une bande-annonce qui ne nous démentait pas, était de subir à nouveau une pluie d’effets spéciaux dans la veine de Matrix. Heureusement, le cinéaste n’est pas tombé dans le piège, usant sans abuser d’effets matrixiens (l’air déplacés par les dagues…) mais restant cependant dans un côté plus psychologique que vraiment action. A noter cependant un final incroyable, où des milliers de V assistent à la destruction du Parlement. Un moment d’anthologie, vu la réussite technique.

Peut-être quelques longueurs empêcheront le film d’atteindre les sommets, et une pointe de superflu dans l’action (la découverte de la lettre dans la cellule d’Evey, bien trop détaillée pour vraiment captiver) n’aidera pas non plus. En dépit, James McTeigue a su habilement conjugué entertainement et réflexion, offrant à son film plusieurs niveaux de lecture. Du divertissement intelligent : comme quoi, ça peut exister aussi.

Note : ***

mardi 11 avril 2006

Du jour au lendemain


Une comédie semi réussie avec Poelvoorde en pilier inébranlable que ce Du jour au lendemain.

Pourtant, l’idée de base était intéressante : peut-on vraiment s’habituer au bonheur ? Et si, du jour au lendemain, nos habitudes poisseuses disparaissaient et que l’on devienne vraiment quelqu’un, qu’en seraient les conséquences ?

Sauf que, dans l’idée de la construction (répétition du quotidien jusqu’à lasser le héros), Groundhog Day (Un jour sans fin) était bien mieux bâti. De plus n’est pas Bill Murray qui veut, et si Poelvoorde reste un comique incroyable, il n’a pas cette touche nonchalante qu’à l’acteur américain et qui rendait son personnage si méprisable attachant. Heureusement, Poelvoorde reste Poelvoorde, et sa capacité à exploiter pleinement le filon d’une scène comique confinerait presque au génie. Sans rentrer dans la canonisation, il risque fort de rentrer dans le panthéon des inimitables, des imbattables de la trempe d’un Peter Sellers (sans bien sûr pouvoir l’égaler). Il faut dire qu’ici, il confirme encore son statut de pilier : il porte à lui seul le film. Soutenu par des seconds rôles excellents, il est vrai, mais tirant d’une ligne à l’autre un scénario tirant quelque fois sur la longueur.

Parce qu’à force de vouloir faire rire, Philippe Le Guay enchaîne les situations avec un rien de superflu. Quant au final, bien trop long et prévisible, il plombe quelque peu l’ensemble du film.

On en tiendra de toute façon pas rigueur à Le Guay, lui qui déçoit déjà par une mise en scène d’une part prévisible, d’autre part partant dans tous les sens (quelle utilité de la scène de chant, si ce n’est obligé Poelvoorde à faire du Podium bis ?).

Heureusement, le casting relève un peu la sauce, histoire de rendre le tout un brin cohéren et surtout drôle : du génial Rufus en admirateur de Napoléon à Anne Consigny toute en sensibilité féminine, il n’y a pas de fausse note du côté des interprétations. De l’inégal, ça oui, mais pas du mauvais.

Une suite de gags (réussis pour la plupart) et des acteurs en grande forme permettent donc au spectateur d’oublier les erreurs de mise en scène et les faiblesses de scénario. Du divertissement sympathique. C’est déjà pas mal.

Note **

Le Nouveau Monde (The New World)


La dernière grande réussite de la légende vivante Terrence Malick que ce Nouveau Monde.

Il faut dire que le cinéaste a réussi, à l’instar d’un Kubrick, à se forger une image de cinéaste intellectuel solitaire, délaissant la presse pour se concentrer sur son art, à se créer une aura presque mystique qui pousse le monde du cinéma a sautiller sur place en apprenant qu’il prépare un nouveau film. Pour preuve, Le nouveau Monde était surveillé de très près par tous les cinéphiles depuis deux ans… alors qu’il ne s’agit que du quatrième film de Malick.

Mais comment diable fait-il pour faire d’aussi bons films ? Peut-être parce que pour lui, il n’y a pas que le cinéma dans la vie. Aussi, s’il n’estime pas trouver d’histoire qui lui plaise pendant dix ans, il ne fera pas de film pour le fait d’en faire un.

Suite à l’immense succès critique de La ligne rouge, on se demandait comment Malick allait encore pouvoir nous surprendre. Et voilà qu’il réussit en prenant le contre-pied de son précédent film ; à la Seconde guerre et au scénario regorgeant de multitudes de personnages, Malick propose une histoire d’amour au début de l’Histoire des USA, où seuls trois personnages se détachent vraiment du film.

Il n’en perd pas pour autant sa touche si personnelle, ce petit truc qui fait la différence entre ses films et ceux des autres : une bonne part de spiritualité. A nouveau, on retrouve ses lents travellings ne filmant que la nature, à nouveau on assiste aux remises en questions des personnages envers leurs sentiments et leurs croyances, à nouveau on retrouve un film au rythme lent, très lent, histoire de savourer chaque instant et la perfection de la Nature aux yeux du cinéaste.

Le contexte historique importe finalement peu : alors que certains cinéastes auraient tout misé sur les batailles sanglantes entre colons et indiens, et tandis que d’autres encore auraient visé la critique historique en dénonçant les méfaits du colonialisme, Malick lui préfère se concentrer sur l’humanité perdue de ses protagonistes ; tandis que Smith abandonne son identité occidentale qu’il hait tant (mais qu’il finira par retrouver pour conquérir de nouvelles terres), Pochaontas abandonne elle son identité culturelle pour se vouer à celui qu’elle aime.

Dans les rôles titres, Colin Farrell, Christian Bale et la très jolie (et jeune) Q’Orianka Kilcher jouent tout en retenue, presque en crispation, le plus souvent en silence. Ils retrouvent dès lors l’essence même du jeu d’acteur, qui est de faire passer les émotions avant les explications, lesquelles interviennent via des voix-off parfois trop longues. On regrettera aussi de ne pas voir plus Ben Chaplin et Christopher Plummer…

Il n’empêche que le film est un concentré d’émotion et de réflexion, malheureusement trop expliquées par moments, sans pour autant que cela ne gâche le film. Ce qui dérange, c’est l’hermétisme parfois trop flagrant du récit, où finalement on assiste à une histoire d’amour sans pouvoir y interagir ; tandis que La ligne rouge invitait à la philosophie, à la réflexion sur la place de l’homme dans l’univers, au rôle de la Nature dans nos vies et aux notions de Bien et de Mal, Le nouveau Monde se limite à disserter sur la dualité rêve-amour et sur les notions d’identités culturelles. Des sujets peu abordés au cinéma il est vrai, mais qui ne parviennent pourtant pas à provoquer autant d’émoi que ceux de La ligne rouge.

Il n’empêche que le film ne prêche que par quelques longueurs, le reste du film étant tour à tour sublime : des somptueux décors naturels aux interprétations, en passant par un scénario original et une mise en scène toujours aussi impeccable du génie texan, Le nouveau Monde est un spectacle à part, ni film d’aventure ni film d’amour, une sorte d’OVNI cinématographique à forte consonance philosophique et humaniste. Un retour en force d’un cinéaste plus qu’essentiel.

Note : ****

J’aime la vie, je fais du vélo, je vais au cinéma


Un documentaire jovial et réussi sur les cinémas d’art et d’essai que ce J’aime la vie, je fais du vélo, je vais au cinéma.

Pamphlet contre les multiplexes, et ardant défenseur du cinéma de quartier, celui qui projette encore des films sans en oublier pour autant le contact humain, J’aime la vie, je fais du vélo, je vais au cinéma est un documentaire sans réelle prétention si ce n’est saluer le travail accompli par les cinémas d’art et d’essai.

Se déroulant comme une chronique amusante, le film voyage à travers le temps et les villes pour nous faire découvrir l’histoire de ces « petites » salles qui, bien loin de l’esprit marketing régnant dans les multiplexes comme UGC ou Gaumont, se battent continuellement pour offrir le meilleur du cinéma à leurs spectateurs. De Bordeaux à Paris, du ciné-ambulant au Churchill de Liège, le documentaire dresse les portraits de petites entreprises minutieuses pour qui le cinéma est avant tout un moment de partage.
Ayant travaillé dans un cinéma d’art et d’essai moi-même, je puis vous affirmer que J’aime la vie, je fais du vélo, je vais au cinéma rend parfaitement justice aux efforts accomplis par les gens travaillant dans ce type de cinéma : promotions d’événements, publication d’un journal, contact avec les clients… Rien n’est laissé au hasard pour pouvoir survivre face aux énormes complexes.

Attention cependant que le film ne verse pas dans la surenchère en critiquant ouvertement les multiplexes ; il se prend même au jeu de faire découvrir à une personne âgée l’immensité du Kinépolis de Bruxelles, et toutes les possibilités qu’elle offre (dont, par exemple, un système de projection numérique, extrêmement rare en Europe). Et si, insidieusement, on montre des salles de cinéma sans vie, on n’en voudra pas trop à Francis Fourcou, le réalisateur.

En revanche, on pourra lui reprocher de perdre de vue sur la fin du sens premier de son film, à savoir applaudir les cinémas d’art et d’essai, pour faire la pub excessive des cinémas Utopia. Le brûlot vire alors au spot publicitaire, glissant discrètement dans son discours que les cinémas Utopia sont les Rolls de ces cinémas de quartier.

En dépit de cette manœuvre inutile, le film est un agréable moment, qui fait découvrir l’envers du décor et qui, je l’espère, poussera les spectateurs à se rendre plus souvent dans ces cinémas qui n’ont de petit que la taille…

Note : ***