vendredi 24 février 2006

Essaye-moi


Essaye-moi, ou le premier film semi-réussi de Pierre François Martin-Laval.

L’histoire est celle d’Yves-Marie, 9 ans, qui demande à Jacqueline, qui a son âge : "Epouse-moi". Elle répond par une pirouette : "Le jour où tu vas dans les étoiles, je te donne ma main."

24 ans plus tard, quand Yves-Marie, devenu cosmonaute, vient sonner à la porte de Jacqueline, celle-ci s'apprête à épouser Vincent et a tout oublié de sa promesse. Alors Yves-Marie a une idée : "Essaye-moi une journée avant de dire non !".

Tout partait d’un bon esprit : une comédie gentille, une histoire romantique comme on ose plus en faire, des comédiens qui sont plus là pour s’amuser que pour gagner du pognon… Seulement voilà, à trop vouloir faire du « tout le monde il est bau, tout il est gentil et tout se terminera bien pour tout le monde », Pierre François Martin-Laval (alias Pef pour plus de facilité) sombre dans la guimauve, dans l’humour bas de gamme et dans le sentimentalisme exacerbé.

Premier gros souci : Pef se mettant lui-même en scène. Il faut dire que son comparse Robin des bois alias Maurice Barthélemy y était parvenu avec Casablanca Driver. Mais Pef aurait surtout du retenir la leçon de Papa, qui prouve qu’un réalisateur n’est jamais aussi bien que derrière la caméra. D’autant qu’entre l’humour cinglé de Barthélemy et celui plus gamin de Pef, on préfère encore celui de Barthélemy. Aussi, rien d’étonnant à pousser un soupir à la suite de la quinzième répétition de gag influencé Tex Avery (Pef tombe dans les escaliers, traverse la porte et laisse son empreinte dans la porte) qui, de prime abord drôle se voit devenir lourd à force. Et puis avec le reste du casting, rien à faire, ça cloche. C’est peut-être fait exprès, mais ça n’a pas l’effet escompté.

Parce que oui, le casting est des plus intéressants dans cette histoire se voulant un peu trop magique : Pierre Richard en père farfelu et aimant, Isabelle Nanty en mère un peu coincée, Julie Depardieu en Jacqueline navrée de sa journée passée avec Yves-Marie, Kad en fiancé jaloux, Marina Foïs en mère célibataire plus « normale » que d’habitude… Bref que du beau monde. Et amusants en plus de ça, surtout Pierre Richard qui, avec l’âge, cabotine moins (et c’est tant mieux).

Et puis cette histoire d’amour au-départ-impossible-mais-qui-au-fil-du-temps-va-devenir-comme-dans-tout-bon-conte-de-fée-qui-se-respecte-une-vraie-romance, teintée certes d’un peu de magie due à l’esprit enfantin qui habite Pef et qui se ressent sur son film. Au début c’est mignon, à la fin c’est trop, désolé. On a envie d’applaudir cette belle histoire, surtout quand Pef en parle : « J'ai fait un film sans gros mot, sans meurtre, sans histoire misérable et aucun personnage n'est un salaud. C'est aussi un film qui dit : "Quand on veut, on peut." Je crois que c'est un film qui donne envie d'oser. Il faut oser dans la vie, sinon on n'arrive à rien. Donc, si tu es sincère, il faut se lancer, il faut essayer. Oser, ça donne des ailes. » Hélas, nous, on ne décolle pas.

Dommage donc, car il y avait matière à très bon film. En dépit, Pef dirige convenablement ses comédiens et a osé tenter quelque chose de neuf. Peut-être que la prochaine fois sera la bonne, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Note : **

Mémoires d'une Geisha (Memoirs of a Geisha)


Mémoires d’une Geisha, ou le plus beau film de Rob Marshall, tout simplement.

Il faut dire qu’avec Chicago, le cinéaste avait créé la surprise : sorti de nulle part, inconnu au bataillon, il cartonnait en revisitant le monde des comédies musicales et en glanant 6 Oscars sur 13 nominations ! Acteurs impeccables, décors travaillés, sens du timing et (surtout) du montage, perfectionnisme au niveau du son et de la photo, mise en scène un peu décalée… Du spectacle tout public de haute gamme ! Alors forcément, Mémoires d’une Geisha était attendu au tournant, d’autant que le film était une adaptation d’un best-seller… Et on est pas trop déçu finalement !

Aspect le plus intéressant : le casting. Outre le fait que les actrices soient sublimes, elles regorgent d’un talent immense : que ce soit Zhang Ziyi, Michelle Yeoh ou Gong Li, toutes sont aussi convaincantes que magnifiques (c’est dire !). Et tout ça sous l’œil du très sobre Ken Watanabe, toute en retenue et fragilité humaine. Pourtant, c sont bien les trois héroïnes qui portent le film sur leurs frêles épaules, d’une intensité sans égal et jouant aussi bien de leurs charmes que de leurs grâces pour rendre leurs personnages humains. Des actrices d’exception qui, pourtant, peuvent voir en la petite Suzuka Ohgo une rivale de taille. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter à cette jeune fille d’à peine 12 ans lors du tournage.

Enfin l’aspect que l’on retient le plus du film : l’esthétisme. Si on connaissait le goût de Marshall pour des couleurs flashantes et chaudes, il continue sur sa lancée en travaillant chaque image de sorte à ce qu’elle ressemble à une peinture de maître. Comme si cela ne suffisait pas, le souci porté au décors et aux costumes est très impressionnant, plongeant le spectateur dans le Japon des années 30. Quant à la photo, d’une beauté sans nom, elle n’a, elle, d’égale que la musique signée par l’incontournable John Williams (lequel, pour anecdote, a refusé de collaborer sur le quatrième Harry Potter pour se consacrer à Mémoires d’une Geisha : à raison puisqu’il a emporté un Golden globe).

Mais voilà, à part la beauté visuelle constante et des interprétations à couper le souffle, le film pêche par sa réalisation, son scénario et sa longueur.

Le scénario d’abord, adaptation certes réussie mais hélas trop superficielle u roman de base, aurait mérité un traitement différent, plus axé sur la difficulté de ces femmes, plus call-girls que prostituées, à s’insérer dans le monde masculin d’une cruauté sans nom au Japon. En dépit, le script se concentre plus sur l’histoire d’amour entre Chiyo et le Président, histoire dont on connaît rapidement le dénouement et qui, finalement, importe peu au vu du reste du film, ciblé la moitié du temps sur la formation de geisha et la lutte entre Chiyo et Hatsumomo, peut-être l’idée la plus intéressante (forme de compétition faisant écho à l’élitisme régnant au Japon actuellement) mais hélas trop peu exploitée aussi.

La réalisation de Marshall, elle, déçoit par son classicisme exacerbé : c’est filmé platement, sans vie, comme aurait pu le faire n’importe quel autre cinéaste. On ne demandait pas une mise en scène à l’envolée mais au moins quelque chose de plus libre, de moins typé « Hollywood » surtout de la part de Marshall, qui s’était lâché sur Chicago et ses scènes de chants un peu hors catégorie. Hélas, hélas, trois fois hélas, rien de tout cela ici.

De plus, le film dure trop longtemps pour être parfaitement équilibré. D’une durée de 2h15, Mémoires d’une Geisha aurait pu être passionnant de bout en bout s’il n’avait duré que 2h. Pas bien grave dans le sens où le film passe quand même vite, mais une erreur de plus qui empêche le film d’accéder au rang des chefs-d’œuvre.

Car oui hélas Mémoires d’une Geisha n’atteint que partiellement les sommets, laissant un petit goût de trop peu ; il s’agit néanmoins d’un film d’une beauté formelle étourdissante, qui mérite le déplacement ne serait-ce que pour ses interprètes.

Note : ***

mercredi 22 février 2006

Sheitan


Inutile de dire à quel point Vincent Cassel aime les rôles un peu dérangés de personnages atypiques : La haine, Blueberry, Dobermann, Irréversible sont autant d’exemples des goûts plutôt spéciaux du fils Cassel. Quoi de plus normal dès lors qu’il s’associe à Kourtrajmé pour produire le film de Kim Chapiron, annoncé comme le renouveau du cinéma gore français.

Il faut dire que Sheitan est… original. Si l’auteur l’a conçu comme un mélange des Chiens de paille et des Galettes de Pont-Aven, on peut voir d’autres références tout aussi prestigieuses : Evil Dead dans l’humour décalé et morbide, Rosemary’s baby dans l’écriture…

Attention cependant, le film n’est pas la claque attendue : un défaut du film par exemple est de viser le public jeune à travers une description d’une bande de copains de Cité, tous au plus stéréotypés les uns que les autres (influence de La haine : un black, un beur et un asiatique comme héros). Il y a aussi ce final qui se veut déboussolant mais qui vire au n’importe quoi à force de trop vouloir en faire. Enfin, il y a cette farouche volonté de Chapiron de copier Romero en donnant un discours social à son film (du style « c’est chez les bourgeois que se planquent les dingues ») mais une fois encore sombre dans le comique plutôt que dans la satire.

Heureusement, passé ces imperfections, le film vaut le coup. Attention toutefois à ne pas prendre Sheitan comme un film de genre sérieux ; prenez-le plutôt comme du grand Guignol, de l’auto parodie et vous verrez comme le film est délirant à souhait. Bon, ne nous voilons pas la face, il va falloir accepter l’humour un peu lourd, les gags ciblés « d’jeuns » et une ambiance malsaine pour apprécier pleinement mais quoi, on n’a pas payé pour voir La mélodie du bonheur non plus…

D’autant que Cassel vaut le coup à lui seul. Si sa première apparition en fera sourire (voir pleurer de rire) plus d’un, son personnage va rapidement devenir angoissant, sans sombrer dans le stéréotype du vilain-pas-beau-qui-va-certainement-trucider-tout-le-monde-avant-la-fin-du-film… Aussi à l’aise dans son personnage qu’un esquimau sur la banquise, Cassel profite de l’occasion pour jouer les déjantés chroniques, un peu attardé mais terriblement manipulateur. Dommage que le reste du casting ne suive pas aussi bien, hormis peut-être l’exquise Roxanne Mesquida, la seule à se démarquer du reste des comédiens, amateurs il faut bien dire. Mention peut-être aussi pour Olivier Barthélémy qui parvient quelque fois à bien jouer, mais pas toujours…

Voulant visiblement se démarquer du reste de la nouvelle génération française, Kim chapiron a opté pour une mise en scène barrée, mélange improbable de Polanski et de Boyle, à l’esthétique crados (style Seven) travaillée et au cadrage pour la plupart du temps bien pensé (un plan magnifique est celui de la découverte de la maison, référence directe à Shining de Kubrick). Il a même délaisser les habituels effets sonores du thriller pour choisir une b.o. qui convenait, bien plus qu’à l’esprit du film, à ses envies et à celles de Vincent Cassel. Un choix pourtant agréable, malgré la majorité de chansons rap mais où se glisse deux thèmes intéressants, un électro convenant à la mise en scène et un classique convenant à l’ambiance…

Malgré un scénario faiblard et une trop grande limitation de public, Sheitan n’est pas la daube annoncée, mais pas non plus le chef-d’œuvre espéré par les fans du genre. Il est un film trash, se complaisant dans son propre univers où le dieu Cassel se déchaîne pour le plus grand plaisir de Kim Chapiron (lequel, avec un peu plus de rigueur dans l’écriture et le choix de ses comédiens, pourrait encore faire parler de lui) et de nous-mêmes, quelque part voyeurs de cette histoire malsaine et totalement jubilatoire.

Note : **

jeudi 9 février 2006

Un ticket pour l'espace


Quand Kad & Olivier décide de parodier le cinéma SF, cela donne quelque chose comme Un ticket pour l’espace.

Il est de plus en plus fréquent de voir des comiques quitter les planches des one-man-show pour le grand écran : Gad Elmaleh, Jamel Debbouze, Mickaël Youn, Dany Boon… Des fois ça marche (Jamel Debbouze justement) des fois ça se ramasse (Jean-Marie Bigard, les Robins des bois…). Kad & Olivier eux s’en sortent plutôt bien, avec un petit succès pour leur premier film Mais qui a tué Paméla Rose ? qui réunissait déjà un joli casting (Jean-Paul Rouve, Gérard Darmon, François Cluzet, Alain Chabat, Virginie Ledoyen…). Dès lors pourquoi se priver d’un nouveau long-métrage ?

Kad & Olivier s’attaque donc cette fois à la conquête de l’espace, vieux rêve français jaloux des Américains. Si Un ticket pour l’espace se veut moins parodique que Mais qui a tué Pamela Rose ?, il n’en reste pas moins un film décalé, étrange parfois, tentant de mêler suspens, action, science-fiction et humour à foison. On pourra déceler ci et là des références à 2001 : l’odyssée de l’espace (où la voix du soie de HAL est celle de… Enrico Macias !) ou encore Alien (remplacé ici par un dindon géant assoiffé de sang et dingue des jeux de société) sans oublier la petite touche personnelle des deux comiques (des moutons pilotes d’hélicoptères…).

Pour porter ce film à bout de bras, quelques pointures : Guillaume Canet, André Dussolier, Thierry Frémont, Marina Foïs, Pierre-François Martin Laval ou même Frédérique Bel, la chroniqueuse de La minute blonde de Canal+ qui joue le rôle de Miss France !

Le scénario, si déjanté soit-il, reste pourtant cohérent, ne partant pas dans tous les sens et ne provoquant pas un gag tous les centièmes de seconde espérant déclencher un fou rire général. Il y a même quelque chose d’ingénieux dans cette histoire loufoque d’une équipe envoyée dans l’espace suite à un jeu de chance, qui tourne finalement mal pour lorgn du côté « film catastrophe ».

Où est le problème dès lors ? Eh bien le problème c’est que le film ne décolle jamais (oh le jeux de mots facile !). A force de tirer sur l’idée du père allant dans l’espace pour impressionner son fils, le film perd en drôlerie pour avoir un côté sentimental pas du tout à sa place. Une écriture plus légère n’aurait pas été un grand mal pour cet aspect de l’histoire. Il y a aussi une forme de déséquilibre de l’humour, où quelques répliques décalées (« quand je vois Saturne, je pense à un manège parce qu’un manège, Saturne ! ») et autres situations forcément de second degré (l’épouse qui quitte la maison avec le gosse… pour vivre en face !) se voient éclipsées par des gags à répétitions qui, forcément, finissent par taper sur le système (« Je fais ça pour mon fils, parce que c’est mon fils, ma bataille… »).

Un divertissement trop léger, aussitôt vu aussitôt oublié, qui a le mérite tout de même de viser haut dans le cinéma français ; rien que pour ça, le film vaudrait presque le coup.

Note : *

Jarhead


Un retour en force du brillant cinéaste Sam Mendes que ce Jarhead.

Il faut dire qu’en signant American Beauty, ce petit génie frappait un grand coup dans le paysage cinématographique américain, laissant présager une carrière exceptionnelle. Malheureusement, en dépit de ses qualités, Les sentiers de la perdition, son film suivant, divisa nettement plus la critique et le public. C’est donc avec une certaine appréhension que l’on pouvait attendre son nouveau film, qui plus est parlerait de la première guerre du Golfe alors que Bush Jr envoie encore et toujours les fils de la patrie se faire massacrer en Irak…

Pas fou pour un sou, Mendes sait qu’il joue gros avec ce film, qu’il détient un scénario en or et qu’il ne tient qu’à lui d’en faire un chef-d’œuvre. Problème de taille : comment faire un film de guerre qui ressorte vraiment du lot ? En acceptant les influences sans pour autant délaisser son propre style bien sûr. Sous formes d’hommages indirects, Mendes salue Apocalypse Now, Voyage au bout de l’enfer, Full Metal Jacket… Des films de guerre peu spectaculaires, jouant surtout sur l’aspect psychologique des personnages et l’impact du Vietnam sur leur vie. Jarhead s’inscrit donc dans la même lignée, où l’action est plutôt rare, où il s’agit plutôt d’un portrait au vitriol d’une guerre inutile, rapide et où les acteurs n’ont qu’une option : donner le meilleur d’eux-mêmes.

Après une intro digne de maître Kubrick, Mendes plonge rapidement son héros dans l’enfer de la préparation militaire, dans un monde qui pue la fierté masculine mais qui met aussi en avant toutes les tares de ces « têtes de bocaux » machos jusqu’au bout. Et c’est quand on craint de tomber dans le produit calibré « nationaliste sensé attirer les jeunes à s’inscrire dans les Marines » que Mendes prouve qu’il a du talent, du génie de contourner les facilités narratives et les faiblesses scénaristiques. En effet, ici pas de fusillade, de massacre sanglant à la Platoon ; tout comme Swofford, on attend. On attend que quelque chose arrive, on attend que tout commence à exploser pour foncer dans le tas… et on fini par attendre calmement la fin de tout ça. A la différence près que nous, on adore ça.

Mendes ne prend donc pas le pari de révolutionner le genre ; il veut simplement faire un film unique sur une guerre qu’il ne l’était pas moins. Sans insister sur l’aspect communicationnel raté de la guerre du Golfe, Mendes démontre minute par minute la fugacité du conflit, l’ignorance qu’en avait le monde entier à l’époque et notamment les Marines envoyés. A la manière d’un American Beauty, Jarhead conte une histoire banale, celle d’une tête brûlée façonnée par un patriarcat militaire qui se rend compte qu’être un pro de la gâchette est une chose, être une machine de guerre en est une autre. En privilégiant les doutes, les angoisses du héros, Mendes offre un visage humain et surtout universel à Swofford, permettant une identification du spectateur… par moments. Car la petite touche particulière, c’est de troubler le spectateur au point de ne plus savoir si l’on doit pleurer avec lui sous la douche avec en musique de fond Something in the way de Nirvana, imaginer la bonne partie de rigolade sous Don’t worry be happy ou le haïr quand il pète un plomb avec le petit bleu qui a fait le tour de garde à sa place…

Il convient, pour ce, de saluer les interprétations du trio vedette (Jake Gyllenhaal – Peter Sarsgaard – Jamie Foxx) réellement saisissant, chacun explosant tour à tour d’intensité (le monologue de Foxx sur son amour de l’armée, la frustration de Sarsgaard de ne pouvoir tuer un seul soldat irakien…) où Gyllenhaal, monument d’émotion à lui seul, parvient difficilement à les ecclipser malgré sa prestation exemplaire. De la nouvelle génération d’acteur, il s’agit certainement d’un des chefs de file…

Et on évitera de saluer un montage irréprochable et une b.o. pour le moins originale, calibrée pour le film tant elle offre une palette d’émotions différentes.

Sans renier ses inspirations diverses, Jarhead trouve son propre chemin dans le film de guerre, et s’il ne parvient pas à retrouver la classe intégrale d’American Beauty, il peut se vanter de retrouver les grands éléments : des interprétations très justes, un scénario impeccable et un Mendes en grande forme, finalement à l’aise dans tos les genres de films ; un nouveau Kubrick serait-il en train de naître sous nos yeux ?

Note : ****

Ombres et brouillard (Shadows and fog)


Ou quand Woody Allen, à travers un hommage à l’expressionnisme, réussit l’un de ses films les plus élégants, cela s’appelle Ombres et brouillard.

Dans une petite ville d'Europe centrale entre les deux guerres, Kleinman, un petit employé, est réveillé par la milice qui recherche un étrangleur. On va alors lui confier un rôle bien particulier dont il ignore totalement la nature, et rencontrer une artiste de cirque en fuite…

S’il existe un auteur fortement influencé par les autres, il s’agit sans conteste de Woody Allen. Peuvent en témoigner des films comme Guerre et amour (Tolstoï), Intérieurs (Ingmar Bergman), Stardust Memories (Fellini), Comédie érotique d’une nuit d’été (Shakespeare), La rose pourpre du Caire (Pirandello), Hannah et ses sœurs (Tchekhov), Une autre femme et Maris et femmes (John Cassavetes), Crimes et délits (Dostoïevski)… Il est donc logique qu’Ombres et brouillard suive le même chemin.

Attention toutefois qu’ici, Allen vise très haut : ce n’est rien de moins que Kafka et l’expressionnisme qu’il salue à travers son récit à la fois poétique et mystique, ironique et métaphysique. Sans sombrer dans une profonde réflexion théologienne comme dans Crimes et délits, Allen réfléchi encore sur la Foi et la mort, sans apporter de réponse toute faite et laissant le spectateur jugé par lui-même. Ce qui est sûr, c’est qu’Allen ne se proclame nullement prophète ou même capable de comprendre, de donner un sens à la vie (Kleinman, « le petit homme » face à Dieu, quel qu’il soit).

Pour ce faire, Allen choisi donc une construction kafkaïenne, où le réel se confond avec l’irréel, où la société semble écraser l’être humain, complètement perdu dans ce monde où il ne comprend pas vraiment sa place…

Il y a aussi l’influence flagrante de l’expressionnisme, où Allen rend hommage au plus grand : Murnau et son Nosferatu (l’ombre menaçante du tueur qui plane sur la victime), Lang et son M le maudit (le caractère soupçonneux de la communauté, l’entre deux guerres, la coalition des mafieux pour trouver l’assassin…), etc. Il y a aussi une petite référence indirecte au Freaks de Tod Browning, dans ce cirque où la belle starlette séduit le directeur du cirque alors qu’elle couche avec Hercule et rend jalouse la femme du directeur…

Une fois de plus, Woody ne se refuse rien au casting : lui-même, sa muse Mia Farrow, John Malkovich, John Cusack, Kathy Bates, Jodie Foster, Michael Kirby, Donald Pleasence, Madonna… Que du beau, du bon, que du grand. On regrettera juste l’inégalité de leurs rôles, due sans doute à une certaine méconnaissance de la plupart d’entre eux à l’époque…

Le meilleur du film pourtant, hormis ce splendide scénario et ce casting prestigieux, reste la réalisation de Woody Allen : à la fois sobre et élégante, Allen est parvenu à retranscrire le genre sans le trahir, lui redonnant même un soupçon d’ambiance d’époque sans pour autant noyer sa personnalité dans le travail technique (magnifique noir et blanc contrasté d’ailleurs). Il y a en effet dan cette copie d’œuvres du courant allemand une touche allenienne, distillée dans l’humour névrotique habituel d’Allen et sa manière de filmer : calme, en mouvement latéraux, avec peu de gros plans et une attention toute particulière à mettre en avant Mia Farrow…

A la fois maîtrisé et désespérément sombre, Ombres et brouillard est peut-être de ce côté de la filmographie d’Allen qui nécessite une implication totale dans la réflexion, une remise en question de ses principes qui pourra dérouter le spectateur. C’est presque du cinéma intellectuel, l’humour en plus ; c’est la face sombre d’Allen, la moins accessible, la moins séduisante mais aussi la plus intéressante.

Note : ****

Intervista


Ou quand le Maestro salue sa propre œuvre et rend hommage à Cinecittà, cela donne Intervista.

Resituons le contexte : nous sommes en 1987, Federico Fellini n’a plus rien à prouver ou même à raconter : après 3 Oscars de Meilleur film étranger (La strada, 8 ½ et Amarcord) et avoir parler de son passé d’adolescent (Amarcord, I Vitelloni), de journaliste (La Dolce Vita) et de ses problèmes de création (8 ½), après avoir revisité l’œuvre de Pétrone (Satyricon) et le mythe de Casanova et avoir rendu hommage à son ami Nino Rota (Et vogue le navire), il faut dire que le Maestro se trouvait à court d’idée. Alors misons sur le réchauffé et rendons hommage au cinéma de ses débuts, de ses premières expériences à Cinecittà.

Chose surprenante, Fellini se met lui-même en scène dans son propre rôle, en train de réaliser une adaptation de L’Amérique de Kafka, auteur étrange et autobiographique s’il en est. Le voilà alors interviewé par une équipe de journalistes japonais, et de se lancer dans un discours sur ses débuts…

Nouvelle forme de récit, Fellini annonce directement que le film ne sera qu’un vaste souvenir de ses débuts, d’une réflexion sur ses propres films. Mélangeant les deux histoires (Fellini tournant L’Amérique et Fellini jeune découvrant Cinecittà) de sorte à troubler le spectateur, Intervista consiste surtout en un amusement d’artiste effectuant simplement quelques roues libres dans son univers.

Il y a pourtant une volonté de Fellini de ne pas laisser le spectateur à part, et particulièrement de remercier ses fans qui lui ont permis de tenir jusque là e offrant une très belle scène, peut-être celle qui vaut le détour à elle seule : Marcello Mastroianni et Anita Ekberg regardant ensemble, 27 ans plus tard, La Dolce Vita…

Pour offrir une touche de réalisme, et pour rendre à César ce qui est à César, Fellini décide d’employer comme acteurs rien de moins que ses propres techniciens dans leurs propres rôles. On ne s’en plaindra pas vraiment vu qu’ils sont, pour la plupart, très bons.

Intervista est aussi l’occasion pour Fellini de montrer sa méthode de travail : le choix de ses acteurs, sa confiance au chef op’, l’insertion de quelques souvenirs dans le scénario… Le film es donc une sorte de manuel étrange du parfait petit cinéaste selon Fellini. Et tant pis si le spectateur finit perdu au bout d’un moment, par exemple dans cette métaphore de l’équipe de cinéma attaquée par des Indiens ayant remplacer leurs lances par des antennes de télévisions…

Comme il est toujours délicat de juger un film de Fellini avec justesse, voici comment l’auteur présentait son film : « C'est un film dans lequel la camera est utilisée comme un crayon, un pinceau qui tracerait des hiéroglyphes. C'est une idée graphique, picturale, visuelle, le contraire du cinéma qui raconte une histoire. » Tout est dit.

Moralité : Prix du 40ème anniversaire du Festival de Cannes et Grand prix festival de Moscou 1987. Et une œuvre mythique de plus à accrocher à la filmographie de ce génie qui manque terriblement…

Note : ****

lundi 6 février 2006

Les Bronzés 3 - Amis pour la vie


Le retour vraiment pas nécessaire du Splendid que ce Bronzés 3 –Amis pour la vie !

Rendez-vous compte, 27 ans qu’on les attendait ! Popeye, Gigi, Jérôme, Jean-Claude Dusse (avec un D comme Dusse), Bernard et Nathalie enfin de retour, comment ça va être mortel ! Qu’est-ce qui va bien pouvoir remplacé l’alcool de crapaud, les crêpes au sucre, les « Bon si personne n’arrive d’ici dix minutes je nous considère comme définitivement perdus ! » ? Ben rien justement !

Voilà ce qu’on appelle le problème des suites : il y a toujours une certaine attente du public. Et comment la combler après 215 rediffusions des Bronzés et 349 des Bronzés font du ski ? Ce que tout le monde semble oublier, c’est que c’est avec l’âge que els films ont gagnés en popularité : Gérard Jugnot lui-même avouait chez Drucker que les Bronzés furent des flops ! Mais, comme pour Le père Noël est une ordure, incendié à sa sortie, la télévision leur a permis d’atteindre un niveau culte jamais atteint auparavant.

Seulement voilà, la pression étant trop forte, les six compères ont fini par céder et par revenir pour une nouvelle aventure… qui s’annonçait dès le départ comme moins réussie !

Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis : une amitié toujours aussi forte, un travail collégial, des têtes connues (Dominique Lavanant, Martin Lamotte, Bruno Moynot), un humour tantôt fin tantôt irrésistible tant il est gros… Et Patrice Leconte aux commandes, comme à la belle époque. Mais on ne touche pas à une légende, et nos bronzés auraient dû rester à Val d’Isère point final.

Nous revoici sous le soleil donc (mais celui de la Sardaigne cette fois, plus l’africain) où les compères viennent passer une semaine en vacances dans l’hôtel de Popeye et de sa femme. Tout ou presque a changé : Popeye s’est calmé (enfin presque), Jérôme n’est plus médecin, Bernard et Nathalie sont propriétaires d’une affaire et Gigi va épouser Jean-Claude Dusse, roi de la moumoute aux USA ! Mais bien sûr, quand les six amis sont réunis, c’est pour le meilleur et surtout pour le pire.

Et voilà le gros problème. C’est que le pire, c’est de trop : entendez par-là que, cette fois, les gags vont trop loin et perdent toute logique parfois (le final aberrant et tellement probable…). Il y a cependant quelques répliques qui sauvent la mise (Christian Clavier : « j’ai fait la route de Napoléon pour venir ici ») mais des gags déjà utilisés, passés pour références aux précédents films (Blanc coincé en pleine mer avec un jet-ski en panne, Jugnot qui retourne tout l’hôtel pou savoir qui a couché avec sa femme…).

Le scénario tente cependant d’épingler quelques travers de la société moderne, comme à la belle époque : les mémères qui gâtent leurs toutous, l’homophobie, la nécessité du luxe pour les riches, la chirurgie esthétique… De bons thèmes exploités avec tact.

Concernant l’équipe, on reste cependant sur sa faim : Thierry Lhermitte par exemple semble épuisé, il n’est plus le dragueur d’autrefois ; Christian Clavier dérape plus souvent qu’à son tour en en faisant trop ; Marie-Anne Chazel surjoue aussi quand elle ne s’efface pas par rapport aux autres. Heureusement, le couple Jugnot-Balasko, symbole même du couple franchouillard arrogant et infect, est aussi détestable qu’avant (d’où l’amour qu’on leur porte, logique), et Michel Blanc s’en sort probablement le mieux en retrouvant quelque chose de Jean-Claude Dusse (qui, il faut bien l’avouer, devait beaucoup à son physique ingrat de maigrichon, ce qui n’est plus le cas maintenant) tout en le mélangeant avec le personnage de Blanc dans Embrassez qui vous voudrez.

On regrettera finalement une mise en scène d’une platitude sans nom, filmant les décors comme si c’était une pub pour le Club Med et ne variant guère ses thèmes musicaux (Baïla Moreno un peu ça va, mais pendant 1h40…).

Un retour raté donc, mais peut-on vraiment leur en vouloir ? Les acteurs semblaient croire en leur film, on ne leur en voudra pas, mais il est impossible de retrouver un charme qui opère depuis 27 ans en l’espace d’un film touchant une nouvelle géénration, déjà gavée de Splendid. En espérant que nous n’aurons pas droit à Le Père Noël est une ordure 2 – le retour du réparateur buté, on peut réfléchir sur l’affiche du film qui nous prévenait dès le début : les mêmes… en pire !

Note : 0

Rosetta


Une vision acerbe d’une société en perdition : voilà ce qu’est Rosetta.

A l’époque, imaginez la grosse claque : un film exclusivement ciblé social réalisé par deux frères belges qui commencent seulement à percer remporte à la surprise générale la Palme d’Or, présidé par David Cronenberg ! Et comme si ça ne suffisait pas, le Prix d’interprétation est également attribué à l’actrice principale, Emilie Dequenne ! Des films qui ont reçu ces deux récompenses, ça se compte sur une main, et ce n’est pas réalisé par n’importe qui (Barton Fink des frères Coen par exemple). Mais le film méritait-il vraiment autant d’honneur ? Eh bien oui… et non.

Oui car les frères possèdent un style que les autres n’ont pas. Leur manière de mélanger fiction et documentaire est réellement saisissante, même si elle ne constitue pas le sommet du genre. Et puis le but était très honorable : montrer à une majorité de gens qui ne regardent pas les journaux télévisés correctement que la misère est vraiment partout, qu’on soit dans un pays « civilisé » ou non. Et puis il ne faudrait pas oublier la formidable révélation que fut Emilie Dequenne…

Mais personnellement, je m’arrête là. Je ne critique absolument pas le cinéma des frères Dardenne, loin de là. On peut même leur dire merci de représenter aussi fièrement le cinéma belge à l’étranger. L’ennui, c’est que je n’accroche pas.

Certes l’aspect documentaire (longs plans, caméra à l’épaule, jeu du champ/hors-champ…) est dans la plus pure tradition belge (c’est à travers ce cinéma que nous nous sommes formés, et encore maintenant des gens comme Benoît Mariage sont issus de là) mais il ne convient pas trop à ce type de cinéma. La face cachée des villes belges est très bien montrée, je l’accorde, mais doit-on pour autant le souligner aussi fortement ? C’est là l’ennui des Dardenne selon moi : leurs propos sont justes, la psychologie très bien utilisée mais les traits sont grossis à tel point que le spectateur ne s’identifie plus au personnage principal mais finit par s’ennuyer.

Et puis c’est une bien triste réalité mais cela personne ne l’ignore ; pourquoi dès lors focalisé son cinéma uniquement là-dessus ? Je reste convaincu que s’ils faisaient un cinéma plus léger, les frères Dardenne pourraient avoir une notoriété encore plus grande. Mais bon, je peux me tromper.

Un film poignant, authentique, impeccable d’un point de vue technique et artistique mais que certaines longueurs viennent un peu plomber ; réussi mais pas complètement.

Note : **

Quand Harry rencontre Sally (When Harry meet Sally)


La plus brillante des comédies romantiques que ce Quand Harry rencontre Sally.

Le thème de base : une amitié peut-elle exister entre un homme et une femme ?
Oui, si chacune des personnes a respectivement quelqu’un dans sa vie. C’est la seule règle possible. Pourtant, Harry, divorcé, parvient à être proche de Sally, larguée, sans pour autant que cela se finisse au lit. Mais pour combien de temps ?

Comme dans toute comédie romantique qui se respecte, l’histoire se base principalement sur un couple qui doit fonctionner à merveille. Heureusement, Meg Ryan et Billy Crystal, c’est le tandem choc, le duo imparable, le vrai petit couple. C’est bien simple, on savoure autant leur dispute d’introduction autant que leurs émois amoureux.

Pourtant, pas facile comme sujet, le rapport amitié-amour qu’il peut exister entre un homme et une femme. Et c’est là le tour de force de Rob Reiner, d’avoir pu exploiter pleinement – et intelligemment – ce thème sans tomber dans la facilité, le classicisme ou le grivois.

En effet, les diverses situations dans lesquelles se retrouvent les deux héros nous sont toutes arrivées au moins une fois. Et sans pour autant tomber dans le stéréotype, Reiner impose un touche délicate, subtile dans une histoire d’amour dont on connaît l’issue mais qu’importe, c’est le cheminement qui compte.

Sans compter qu’avec des acteurs pareils, difficiles de rester de marbre : d’abord Meg Ryan, taillée pour ce genre de film, à la fois drôle et sublime et mémorable dans une séquence culte d’orgasme en plein restaurant.

Ensuite Billy Crystal, humoriste confirmé, qui joue pourtant de la corde des sentiments à merveille et parvient à faire oublier son image de déjanté le temps de cette love story loin d’être à l’eau de rose.

S’en suit quelques dialogues savoureux, dans un New-York très carte postale mais qui, au fond, était nécessaire pour magnifier encore plus cette romance que nous avons, indirectement et différemment, tous vécu une fois. Quant à la mise en scène de Rob Reiner, on appréciera sa retenue et sa fraîcheur, de très loin la meilleure du genre.

Une belle histoire d’amour comme on les aime, sans que cela ne dégénère dans les Kleenex ou dans l’humour gras à la teenage-movie ; rafraîchissant, divertissant, réussi.

Note : ****